Le secteur des transports routiers est soumis à une concurrence déloyale des pays de l'Est qui embauchent des chauffeurs à bas prix, en toute légalité.
Il est de plus en plus difficile de trouver un travail en tant que chauffeur routier avec un contrat de travail luxembourgeois. Les entreprises profitent de leurs succursales dans les pays de l'Est pour proposer des contrats à faible coût pour l'employeur.
De notre journaliste
Audrey Somnard
Cela fait des années que le transport routier souffre de conditions de travail dégradantes pour les chauffeurs, mais pourtant tout ceci est bien légal. Des entreprises de transport, basées en Europe de l'Ouest, et en particulier au Luxembourg, ouvrent des filiales parfaitement légales dans les pays d'Europe de l'Est. Membres de l'Union européenne, ces «filiales» peuvent ainsi immatriculer des camions et embaucher des chauffeurs aux conditions en vigueur dans ces pays.
Nous nous sommes procurés un contrat de travail établi par une entreprise basée en Slovaquie qui proposait un contrat de travail à 385 euros par mois, le salaire en vigueur dans ce pays. Autant dire que pour les chauffeurs qui vivent au Grand-Duché, la pilule a du mal à passer : «J'ai 25 ans de métier en tant que chauffeur routier, et aujourd'hui à 45 ans, malgré toutes les aides au réemploi que propose le gouvernement luxembourgeois, je ne retrouve pas de travail. Parce qu'on me propose seulement des contrats de travail avec des succursales basées dans les pays de l'Est qui paient leurs chauffeurs une misère et avec des conditions de travail très difficiles», explique Jean (*).
Un esclavage moderne bien légal
Le point 16 du contrat slovaque stipule, par exemple, que le patron peut envoyer son chauffeur sur une mission de deux mois consécutifs : «La législation européenne cadre le travail du chauffeur à 60 heures par semaine et 48 heures par semaine de conduite. Deux mois consécutifs de mission : ça m'étonnerait que le chauffeur puisse respecter ces règles», estime le chauffeur. Ce dernier a même entendu d'un confrère que certaines entreprises indélicates «loueraient» les cabines des camions aux chauffeurs, entre deux transports, ces derniers ne pouvant pas s'offrir d'autre hébergement. Un esclavage moderne que voudrait dénoncer Jean, sauf que cela ne sort pas des limites de la loi.
«Oui mais», c'est ce que semble dire Romain Daubenfeld, responsable syndical à l'ACAL, le syndicat transport sur route à l'OGBL. Ce dernier estime que les filiales qui se multiplient dans les pays de l'Est ne sont pas toujours très conformes à la législation, dans le sens où il faudrait une vraie structure, alors qu'il ne s'agit souvent que d'une simple personne et d'une boîte aux lettres pour permettre l'immatriculation des véhicules dans le pays où le contrat fera foi. «Il suffit de se rendre sur les aires de repos des routiers le week-end quand ils ne peuvent pas rouler. Les camions sont majoritairement immatriculés dans les pays de l'Est. J'ai parlé récemment à un chauffeur macédonien, il a conduit pendant six semaines sans interruption. Évidemment, ils sont payés au kilomètre, alors les chauffeurs veulent rouler un maximum pour gagner leur vie. Au mépris des règles de sécurité», explique Romain Daubenfeld.
Le problème, c'est qu'entre les patrons peu scrupuleux, les chauffeurs exploités et les contrôles quasi inexistants, le business du transport à bas prix peut continuer en toute impunité. «Au Luxembourg, les douanes devraient se charger de contrôler les camions qui traversent son territoire, mais il n'y a jamais de contrôles. De toute façon, il n'y a que deux ou trois spécialistes en transports routiers, ils sont complètement débordés», ajoute le syndicaliste.
Du côté des chauffeurs, le dégoût est grand : «Les chauffeurs routiers sous contrat luxembourgeois sont là depuis longtemps, mais dès qu'une place se libère, le poste est délocalisé dans les pays de l'Est», raconte Jean. Difficile en effet de faire face à la concurrence quand on emploie en bonne et due forme des chauffeurs sous contrat luxembourgeois : «Un chauffeur au Luxembourg coûte 4 000 euros par mois avec les charges patronales», explique Philippe Fuzet, qui travaille pour une entreprise de transports qui emploie 180 chauffeurs au Grand-Duché. Jean dit avoir rencontré le ministre chargé des transports, Claude Wiseler, qui plancherait sur l'implantation de structures logistiques afin d'attirer les sociétés de transport au Luxembourg. Pour Romain Daubenfeld, le ministère ne fait rien du tout pour soutenir le secteur, qui «aura disparu du pays d'ici 2020».
De notre journaliste
Audrey Somnard
Cela fait des années que le transport routier souffre de conditions de travail dégradantes pour les chauffeurs, mais pourtant tout ceci est bien légal. Des entreprises de transport, basées en Europe de l'Ouest, et en particulier au Luxembourg, ouvrent des filiales parfaitement légales dans les pays d'Europe de l'Est. Membres de l'Union européenne, ces «filiales» peuvent ainsi immatriculer des camions et embaucher des chauffeurs aux conditions en vigueur dans ces pays.
Nous nous sommes procurés un contrat de travail établi par une entreprise basée en Slovaquie qui proposait un contrat de travail à 385 euros par mois, le salaire en vigueur dans ce pays. Autant dire que pour les chauffeurs qui vivent au Grand-Duché, la pilule a du mal à passer : «J'ai 25 ans de métier en tant que chauffeur routier, et aujourd'hui à 45 ans, malgré toutes les aides au réemploi que propose le gouvernement luxembourgeois, je ne retrouve pas de travail. Parce qu'on me propose seulement des contrats de travail avec des succursales basées dans les pays de l'Est qui paient leurs chauffeurs une misère et avec des conditions de travail très difficiles», explique Jean (*).
Un esclavage moderne bien légal
Le point 16 du contrat slovaque stipule, par exemple, que le patron peut envoyer son chauffeur sur une mission de deux mois consécutifs : «La législation européenne cadre le travail du chauffeur à 60 heures par semaine et 48 heures par semaine de conduite. Deux mois consécutifs de mission : ça m'étonnerait que le chauffeur puisse respecter ces règles», estime le chauffeur. Ce dernier a même entendu d'un confrère que certaines entreprises indélicates «loueraient» les cabines des camions aux chauffeurs, entre deux transports, ces derniers ne pouvant pas s'offrir d'autre hébergement. Un esclavage moderne que voudrait dénoncer Jean, sauf que cela ne sort pas des limites de la loi.
«Oui mais», c'est ce que semble dire Romain Daubenfeld, responsable syndical à l'ACAL, le syndicat transport sur route à l'OGBL. Ce dernier estime que les filiales qui se multiplient dans les pays de l'Est ne sont pas toujours très conformes à la législation, dans le sens où il faudrait une vraie structure, alors qu'il ne s'agit souvent que d'une simple personne et d'une boîte aux lettres pour permettre l'immatriculation des véhicules dans le pays où le contrat fera foi. «Il suffit de se rendre sur les aires de repos des routiers le week-end quand ils ne peuvent pas rouler. Les camions sont majoritairement immatriculés dans les pays de l'Est. J'ai parlé récemment à un chauffeur macédonien, il a conduit pendant six semaines sans interruption. Évidemment, ils sont payés au kilomètre, alors les chauffeurs veulent rouler un maximum pour gagner leur vie. Au mépris des règles de sécurité», explique Romain Daubenfeld.
Le problème, c'est qu'entre les patrons peu scrupuleux, les chauffeurs exploités et les contrôles quasi inexistants, le business du transport à bas prix peut continuer en toute impunité. «Au Luxembourg, les douanes devraient se charger de contrôler les camions qui traversent son territoire, mais il n'y a jamais de contrôles. De toute façon, il n'y a que deux ou trois spécialistes en transports routiers, ils sont complètement débordés», ajoute le syndicaliste.
Du côté des chauffeurs, le dégoût est grand : «Les chauffeurs routiers sous contrat luxembourgeois sont là depuis longtemps, mais dès qu'une place se libère, le poste est délocalisé dans les pays de l'Est», raconte Jean. Difficile en effet de faire face à la concurrence quand on emploie en bonne et due forme des chauffeurs sous contrat luxembourgeois : «Un chauffeur au Luxembourg coûte 4 000 euros par mois avec les charges patronales», explique Philippe Fuzet, qui travaille pour une entreprise de transports qui emploie 180 chauffeurs au Grand-Duché. Jean dit avoir rencontré le ministre chargé des transports, Claude Wiseler, qui plancherait sur l'implantation de structures logistiques afin d'attirer les sociétés de transport au Luxembourg. Pour Romain Daubenfeld, le ministère ne fait rien du tout pour soutenir le secteur, qui «aura disparu du pays d'ici 2020».
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