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L’EXPLOITATION DES TERMINAUX PORTUAIRES MAROCAINS À L’HEURE DE LA MONDIALISATION DES ECHANGES


Par Mr NAJIH Nabil ( Docteur en Droit) 1820, Rosemont # Apt 10 Montréal (Québec) H2G 1S4 nabilnajih@gmail.com

INTRODUCTION
Au Maroc l’expérience portuaire moderne commence au début du XX siècle avec l’aménagement du port de Casablanca. Sous la colonisation française le pays a essayé le régime des concessions portuaires et avec l’essor des théories de l’Etat providence et surtout suite aux problèmes structurelles de gestion de cette époque l’Etat marocain a intervenu à travers l’office d’exploitation des ports afin de rationaliser la gestion portuaire. Aujourd’hui un nouveau cadre légal, institutionnel et réglementaire (la loi 15-02) a redistribué les rôles entre les acteurs publics et privés sans que l’Etat ne puisse se retirer complètement de l’industrie portuaire et a remplacé l’Office d’exploitation des ports en créant deux entités : une agence nationale des ports ANP chargé essentiellement de la gestion administrative, de la maintenance et l’entretien de l’outil portuaire avec la possibilité d’exercer des activités commerciales liées à l’exploitation portuaire grâce aux techniques de concession et d’autorisation d’exploitation et une société anonyme avec un capital détenue majoritairement par le trésor public dite Marsa-Maroc, cette société est chargée de l’exploitation portuaire et devra entrer en concurrence avec d’autres opérateurs portuaires. Ces derniers sont souvent des entreprises gestionnaires de terminaux effectuant des opérations de manutention et de stockage dans le port.
Nous allons étudier ici les mécanismes juridiques d’exploitation des terminaux portuaires au Maroc (Titre I) et examiner en deuxième lieu l’identité de ces principaux opérateurs portuaires qui sont souvent d’une taille internationale, en insistant sur Tanger-med puisqu’il est le port marocain qui accueille le plus d’opérateurs mondiaux aujourd’hui (Titre II) Titre I. Les mécanismes juridiques d’exploitation des terminaux portuaires en droit marocain
Si le XXème siècle était une période de concentration des armements maritimes en groupes intégrés, horizontalement en rachetant des concurrents et verticalement le long de la chaîne de transport, le début du XXI ème sont celui d’un mouvement de désintégration verticale des armements entre l’appropriation des navires, des ports, la gestion de l’entreprise et celle des équipages. La recherche permanente de la réduction des distances économiques a conduit dans les années 90 au phénomène de l’expansion accélérée des réseaux de plates-formes d’éclatement, avec en conséquence l’apparition des ports dits de quatrième génération. Ce sont des ports séparés physiquement mais liés par des opérateurs communs ou à travers une administration fusionnée. Parallèlement, la multiplication des lignes régulières et des activités de transbordement qui leur sont liées, a abouti à la création d’entreprises exploitantes multiports, qui opèrent simultanément plusieurs terminaux à travers le monde.
Ainsi le groupe Peninsular & Oriental steam line s’était-il désengagé depuis les années 1980 de l’immobilier, de la croisière, de ses services off-shore et du transport de vrac au profit d’activités portuaires avec 29 terminaux. Il est aujourd’hui racheté par le groupe DP World, grand opérateur portuaire derrière un opérateur chinois et un singapourien. C’est aussi le cas de P&O Ports, Eurogate, Hutchison, ICTSI et de l’armateur français CMA-CGM.
Cette transformation est essentiellement due au besoin croissant des armateurs d’infrastructures performantes en termes de qualité de service, de coût, de capacité d’accueil et d’un droit de regard sur l’organisation, les investissements, la tarification, de façon à s’assurer que la politique du terminal est compatible avec la stratégie maritime de ces opérateurs sur le long terme. Mais la notion de concession d’un terminal portuaire n’est pas une nouveauté du droit portuaire. Elle est traditionnellement présente dans les textes de droit maritime international sans qu’ils parviennent à lui donner une conception uniforme.

A- La notion du terminal portuaire

La loi marocaine n°15-02 a retenu une approche fonctionnelle en précisant dans l’article 9 qu’un terminal portuaire est « une zone d’un port composée de quais, de terre-pleins et d’installations, affectée au traitement d’un trafic ou à un exploitant spécifique ». Sans définir avec précision le terminal portuaire, La nouvelle loi propose néanmoins les éléments constitutifs essentiels pouvant être réalisés pour l’exploitation d’un terminal. Face à l’absence d’une définition de la loi et le silence de la jurisprudence, la doctrine française a tenté de définir la notion de terminal comme : « un espace portuaire aménagé, disposant d’équipements de manutention et de stockage dont la gestion est confiée à un opérateur…mais également un concept technique désignant un ensemble d’ouvrages (ex. quais, terre-pleins, silos, hangars…) et d’outillage (portiques, passerelles de manutention horizontal…) dans un périmètre portuaire déterminé et affecté au transit de trafic spécialisé (conteneurs, céréales, charbon et minerais, hydrocarbures…) »
Nouvelle entité géographique de référence, le terminal devient un élément autonome avec une gestion intégrée répondant aux aspirations d’un opérateur indépendant. Le modèle de gestion portuaire dit landlord port est aujourd’hui dominant. Le schéma « landlord port » consiste à concéder les fonctions commerciales du terminal à un opérateur spécialisé qui s’engage selon les clauses contractuelles négociées préalablement avec l’autorité portuaire. Cette dernière conserve une fonction régalienne avec la responsabilité générale de l’espace foncier, de la sécurité et de la veille environnementale. De même, l’autorité publique gère la planification générale du développement du port et l’opérateur doit nécessairement se référer au préalable à l’autorité portuaire pour toute modification des activités sur le terminal.
Quant à l’exploitant de terminal, notion qui nous intéresse le plus, un seul texte international y fait référence, en l’occurrence la convention internationale de Vienne du 17 avril 1991 sur « la responsabilité des exploitants de terminaux de transport dans le commerce international ». Elle énonce dans son article 1er que ce terme désigne « toute personne, qui dans l’exercice de sa profession, prend en garde des marchandises faisant l’objet d’un transport international en vue d’exécuter ou de faire exécuter des services relatifs au transport en ce qui concerne ces marchandises dans une zone placée sous son contrôle ou sur laquelle elle a droit d’accès ou d’utilisation… ». L’occupation des terminaux portuaires, notamment par des opérateurs privés, conduit à s’interroger sur les règles d’occupation domaniale.

B – Le choix du régime domanial

Les terminaux portuaires relèvent logiquement du domaine public, puisque par définition les ports font partie du domaine public de l’Etat12 et sont spécialement aménagés et exploités dans l’intérêt du service public et sous la supervision d’une autorité portuaire, en l’espèce l’Agence nationale des ports. Cette dernière doit établir un plan d’aménagement interne pour chaque port, qui définit, entre autres, les différents terminaux du port. En conséquence les règles de la domanialité publique ont vocation à s’appliquer au régime d’occupation domaniale des terminaux.
Mais dans de nombreux pays, en majorité anglo-saxons (Grande-Bretagne, Canada, Etats-Unis…), cette règle de principe ne se vérifie pas nécessairement, en raison de la place importante, voire prépondérante que joue le secteur privé dans la vie économique. Même en France, les terrains situés dans une zone gérée par des établissements publics portuaires ne font pas nécessairement partie du domaine public, puisque la délimitation administrative du port ne correspond pas forcément à celle du domaine public : il est possible de rencontrer des terminaux purement privés dans les ports maritimes, lorsqu’ils sont établis sur des terrains privés, d’autant plus d’ailleurs que les textes portuaires français applicables aux ports autonomes prévoient clairement l’implantation des terminaux à la fois sur le domaine public et sur le domaine privé.
Quant aux types de contrats susceptibles de découler de l’occupation du domaine public pour l’exploitation d’un terminal portuaire. L’autorité portuaire a deux options. Elle peut choisir le régime de la concession conformément à l’article 16 de la loi marocaine 15-02, comme pour l’exploitation du terminal à conteneurs de Tanger-med, ou peut opter pour le régime de l’autorisation d’outillage privé avec obligation de service public. Comme son nom l’indique il s’agit d’un régime d’exploitation privative assortie d’une obligation imposée à l’opérateur, qui aura satisfait ses propres besoins, de mettre ses équipements à la disposition des usagers. L’opérateur est tenu de respecter le règlement d’exploitation établi par l’Agence nationale des ports qui fixe les règles d’utilisation des différentes infrastructures du port16 ainsi que les clauses d’un cahier des charges qui sera en mesure de préciser les droits et obligations particuliers du concessionnaire, ainsi que ses rapports avec l’autorité concédante, ou avec les usagers du service public.
Cette figure juridique permet ainsi à l’autorité portuaire de s’assurer que l’exploitation des équipements purement privés pourra néanmoins se conjuguer avec la possibilité de mettre le terminal à la disposition du public lorsque son exploitant aura satisfait ses intérêts privés. Ce régime n’en demeure pas moins une véritable convention de délégation du service public, et c’est pourquoi d’ailleurs cette convention reste soumise aux exigences traditionnelles du service public, notamment à l’égalité des usagers et à la continuité, et soumise également aux règles de concurrence dans une économie nationale qui se voudrait de plus en plus libérale.

C – Le choix des exploitants des terminaux

Quant au choix des exploitants, la personnalité juridique est une condition sine qua non d’éligibilité à cette activité. Ainsi, toute personne de droit privé ou de droit public a-t-elle vocation à se porter candidate et à être admise pour l’aménagement et l’exploitation d’un terminal (article 13 et 24 de la loi 15-02).
La création et l’exploitation des terminaux portuaires donnent lieu, aujourd’hui, à l’attribution de concessions au profit d’entreprises privées, notamment des chargeurs, des groupes financiers, des entreprises de manutention ou de consignation, et à des compagnies d’armement originaires de divers pays, ce qui donne d’ailleurs l’impression d’une privatisation de gestion des ports, alors qu’il ne s’agit que d’une convention précaire et limitée dans le temps.
C’est pourquoi, dans certains pays à système protectionniste, le choix de l’exploitant peut être soumis à une condition de nationalité, ou tout au moins de prise de participation des nationaux au capital social, de manière à ne pas pénaliser les investisseurs locaux face au pouvoir financier des investisseurs étrangers.
L’une des solutions pour y remédier consiste justement à financer l’aménagement des terminaux grâce à des joint-ventures entre capitaux nationaux et capitaux étrangers, tel est par exemple le cas de la première concession du terminal à conteneurs Tanger-med avec le danois Maersk et le marocain Akwa. On assiste d’ailleurs, de plus en plus, à des associations des capitaux entre pays en voie de développement.
L’autorité gestionnaire du domaine public reste libre dans son choix, sous réserve du respect des procédures légales relatives à sa désignation. Ainsi, par exemple, l’appel d’offres doit garantir l’égalité de soumission des candidats et les critères de choix doivent, comme dans les marchés publics, être préalablement déterminés et publiés.
Le choix définitif de l’opérateur portuaire est effectué intuitu personae, c’est-à-dire en fonction de l’intérêt porté par l’autorité publique sur le profil particulier du candidat retenu (compétence, capitaux, projet de développement, etc). C’est justement pourquoi, en cas de changement de ce profil au point de compromettre l’effectivité, l’efficacité ou l’avenir du service public, l’autorité concédante est en droit de résilier la convention. C’est également la raison pour laquelle la cession d’une convention sans l’accord préalable de l’autorité gestionnaire du domaine peut également justifier la résiliation de la convention17.
Pour éviter cet inconvénient, il est possible de prévoir dans le cahier des charges que l’autorisation donnée à l’exploitant portuaire est susceptible d’être cédée, à condition cependant que le bénéficiaire de la cession s’engage à respecter les conditions d’exploitation imposées par l’autorité portuaire et consignées dans le cahier des charges, ce dernier étant un précieux instrument de régulation et de contrôle des concessions et autres conventions de délégation de service public.
Les opérateurs commerciaux indépendants deviennent donc des partenaires économiques des autorités portuaires et mettent à disposition une expertise unique de gestion portuaire. Il s’est produit une véritable révolution avec la diffusion mondiale d’entreprises spécialisées dans la gestion intégrée de l’ensemble des activités industrielles et commerciales à l’interface entre la mer et la terre. Une nouvelle forme de hiérarchisation portuaire se constitue en concordance avec le développement de ces exploitants privés de terminaux.

Titre II. Tanger-med, vers un nouveau mode de gestion

Au Maroc, le souci d’ouverture sur les opérateurs portuaires a été traduit dans le préambule de la loi 15-02 : « il est devenu essentiel de doter le secteur portuaire d’un cadre législatif et réglementaire adapté aux évolutions futures, en harmonie avec les traités et les différents accords auxquels le Maroc souscrit, à même d’encourager les initiatives privées et de mettre les exploitants et opérateurs portuaires en situation concurrentielle ».
En tant que pays hôte, le Maroc a un besoin urgent d’infrastructures afin de moderniser ses ports et apprendre les nouvelles techniques de gestion des terminaux portuaires. Il a donc eu recours ces dernières années à des appels d’offre internationaux concernant les plus grands opérateurs portuaires à l’échelle planétaire, appels d’offres qui ont surtout concerné le complexe portuaire Tanger-med.
A- Le cadre juridico institutionnel de Tanger-med
Situé à la pointe Nord-Ouest du Maroc, c’est dans la région Tanger Tétouan connue aussi sous l’appellation de péninsule tingitane, bordée par l’Atlantique à l’ouest, la Méditerranée à l’est et le détroit de Gibraltar au nord que le plus grand projet du Maroc en termes d’infrastructure portuaire vient s’implanter.
Ce chantier qui s’étend sur une superficie de 11 570 Km2 (1,6% de la superficie totale du pays) englobe une zone franche portuaire comprenant un port maritime, des zones franches d’exportation desservies par la route, l’autoroute et le chemin de fer, dans le cadre d’un schéma d’aménagement du territoire et des zones de développement touristiques18. La gestion de cet espace est confiée à une agence spéciale TMSA, créée en 2002. Ses rôles, ses missions et ses prérogatives ont été fixés par le décret de loi n° 2-02-644 du 2 Rajeb 1423 (10 Septembre 2002) portant création de la zone spéciale de développement et par la convention conclue avec l’Etat le 17 février 2003.
L’agence, dont la gestion échappe au régime de gestion de droit commun des ports marocains, est, selon l’article 2 du décret de loi n° 2-02-644, une société anonyme de droit privé à directoire et à conseil de surveillance, assumant les rôles de maître d’ouvrage et de maître d’œuvre de toutes les opérations, à l’instar de Marsa Maroc, et dont les missions sont les suivantes :
la contribution à la recherche et la mobilisation des financements nécessaires à la réalisation du programme du développement de la région nord en concours avec les financements budgétaires ; · l’élaboration des études ou plans généraux, techniques économiques et financiers se rapportant la conception, la réalisation et l’exploitation du port et des zones précitées ; · la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre de la construction du port, ainsi que l’aménagement, l’exploitation et l’entretien dudit port ; · la réalisation, l’aménagement, l’entretien et l’exploitation des zones franches d’exportation en exerçant les compétences reconnues à l’organisme prévu aux articles 5 et 6 de la loi n° 19-94 précités et en accordant directement les autorisations d’installations dans lesdites zones franches, prévues à l’article 11 de la même loi ; · la réalisation des infrastructures permettant de relier le port et les zones précitées entre elles et avec les réseaux routiers, autoroutiers, maritimes, aériens et ferroviaires nationaux et internationaux ; · la promotion dudit port et des dites zones.
Pour réaliser ses missions, la société peut, après accord de l’Etat, déléguer certaines d’entre elles à des opérateurs de droit public ou privé, nationaux ou étrangers sur la base de convention. Elle peut également, après accord de l’Etat et dans le cadre d’une convention de partenariat, créer des sociétés filiales avec l’agence pour la promotion et le développement économique et social des préfectures et provinces du nord.
Selon le décret-loi du 10 septembre 2002 « sont transférés à la société, en pleine propriété et à titre gratuit, les biens du domaine privé de l’Etat qui lui sont nécessaires pour la réalisation de ses missions de service public…ce transfert ne donne lieu à la perception d’aucun impôt, droit ou taxe ».
De plus, les parcelles du domaine public nécessaires à la société pour la réalisation de ses missions de service public sont administrées par le président du directoire de la société. Cette dernière est autorisée à acquérir tout immeuble ou droit immobilier quelle que soit sa nature juridique, y compris par voie d’expropriation.

B- Les opérateurs portuaires de Tanger-med

CMA-CGM, Mearsk, Dubaï World Ports…autant de compagnies qui ont émergé sur un nouveau marché mondial des ports pour satisfaire les besoins d’un échange standardisé des marchandises. Les exploitants des terminaux ont comme ambition de mettre en place un véritable réseau mondial de prestations. Les services portuaires et logistiques tendent à devenir semblables. Une sorte de « label qualité » vise à fidéliser les clientèles portuaires (armateurs, grands chargeurs industriels, entreprises internationales de logistique) en offrant des services et des produits portuaires homogènes.
Ces gestionnaires de terminaux ont investi tous les continents parce que la demande de prestations s’est globalisée. L’uniformisation qualitative des services portuaires et logistiques représente le principal argument commercial de ces nouvelles entreprises mondiales. Les moyens utilisés recouvrent la maîtrise technologique de l’information et l’intégration de la totalité des étapes liées au transfert de la marchandise depuis l’espace marin vers l’espace terrestre.
Les nouveaux gestionnaires de terminaux développent la plupart du temps leur propre système de gestion informatique des données accompagnant tout mouvement de marchandise. Les fonctions commerciales demeurent sous la responsabilité contractuelle de l’exploitant privé. Enfin, les négociations directes avec les entreprises et les syndicats de manutention atténuent les risques de différends et offrent une fiabilité essentielle à la pérennité de l’image commerciale de l’opérateur portuaire indépendant.
En d’autres termes, la gestion d’un terminal est devenue une activité économique et commerciale comme les autres et plusieurs spécialistes mondiaux valorisent un savoir-faire portuaire auprès des institutions publiques pour créer des réseaux portuaires d’un nouveau type.
Ainsi la multinationale "Maersk-Akwa" a-t-elle remporté l’appel d’offres relatif à la concession pendant 30 ans du premier terminal à conteneurs du port de Tanger-med en y engageant 120 millions d’euros à l’horizon 2007 avant de porter ce montant à 150 millions d’euros dès 2010.
Déjà établi en face de Tanger, à Algésiras, Maersk23 renforce ainsi ses positions à un carrefour stratégique entre l’Europe, l’Asie et à six jours de la côte est des Etats-Unis. L’ouvrage marocain avec une profondeur de quai de 16 mètres est en effet prévu pour accueillir des navires de grande taille. Avec la désignation du premier armateur mondial Maersk comme concessionnaire du terminal à conteneurs de Tanger-med on aurait pu craindre que ce nouveau port ne devienne l’annexe d‘Algésiras. Heureusement le port sera divisé en deux. Ainsi un deuxième terminal sera cédé à un autre groupement, dont l’un des membres sera un armateur marocain. Selon les termes de la convention de concession qui le liera à l’Agence spéciale de Tanger-med (TMSA), signée à Tanger, le concessionnaire s’engage également à verser des redevances mensuelles dont le montant global actualisé sur la période de concession dépasse les 100 millions d’euros (1,1 milliard de dirhams). Un communiqué de la TMSA indique que le concessionnaire s’engage aussi à garantir, dès les premières années d’exploitation, l’utilisation dans une large proportion, de la capacité du terminal (1,5 millions d`Equivalent vingt pieds (EVP) qui s’inscrit dans un schéma favorisant une meilleure compétitivité logistique des opérateurs économiques de l’arrière-pays. A travers ses filiales de transport maritime, le groupe Maersk, qui détiendra une part de 90% dans la société concessionnaire, est le premier armateur mondial avec une flotte de plus de 250 navires totalisant une capacité de chargement d’environ 12 millions de conteneurs EVP. Quant à la concession du terminal à hydrocarbures du port Tanger-med, la concession a été attribuée au consortium formé par les sociétés Horizon Terminals Limited des Emirats Arabes Unis, Afriquia SMDC ( Maroc ), Indepedant Petroleum Group (Koweït)24. Selon les termes de la convention de concession d’une durée de 25 ans, le consortium s’engage à démarrer l’exploitation du terminal début décembre 2008 et à investir plus de 52 millions d’euros, préalablement à la mise en service du terminal. La concession porte sur la conception, le financement, la réalisation, l’exploitation et l’entretien du terminal. Ce dernier comprend l’équipement d’un poste pétrolier en eaux profondes et l’aménagement d’une zone de stockage d’une capacité de 308.000 m³. Ces installations serviront de plate forme logistique visant l’approvisionnement du marché local en produits raffinés, ainsi que l’approvisionnement en combustible des navires, aussi bien à l’intérieur du port que dans le détroit de Gibraltar. Le contrat de concession confie la gestion opérationnelle du terminal à hydrocarbures à HTL, présent à hauteur de 34% dans le capital de la société concessionnaire. Filiale de la société Emirates National Oil Company, HTL totalise une capacité de stockage de 3,2 millions de m3. Le tour de table de la société concessionnaire sera constitué, en outre, des sociétés suivantes : Independent Petroleum Group (IPG), 32,5%, groupe qui gère et exploite des terminaux pétroliers et chimiques, et opère dans les métiers de logistique des produits pétroliers (transport maritime, transport par pipelines…) ; Afriquia SMDC avec 33,5%, filiale de la holding marocaine Akwa Group, le leader national dans la distribution des produits pétroliers, avec 30% de part du marché national, un réseau de 400 stations-service et une capacité de stockage au Maroc de 352.000 m3. En décembre 2004, TMSA a lancé un autre appel d’offres relatif à la concession du second terminal à conteneurs, de taille comparable au premier. Cet appel d’offres était ouvert à l’ensemble des candidats à la concession du premier terminal, à l’exception de son attributaire, c’est-à-dire Mearsk. La gestion opérationnelle du deuxième terminal à conteneurs est confiée par concession au groupe Eurogate – Contship Italia (Allemagne – Italie), présent à hauteur de 40% dans le capital de la société concessionnaire. Le groupe exploite 11 terminaux en mer du Nord, en Méditerranée et sur l’Atlantique. Le tour de table de la société concessionnaire est constitué des compagnies maritimes suivantes, à hauteur de 20% chacune : Comanav (Maroc), MSC (Suisse), deuxième transporteur maritime dans le monde, avec plus de 270 porte-conteneurs en exploitation, totalisant une capacité de chargement qui dépasse 750.000 EVP (équivalent vingt pieds) ; CMA-CGM (France), troisième compagnie maritime mondiale avec une flotte de 246 navires, offrant une capacité de chargement de 484.000 EVP26. Aux termes de l’accord de concession d’une durée de 30 ans, le groupement s’engage à créer des compagnies maritimes marocaines dédiées aux activités de transport régional de conteneurs (feedering) et à doter ces dernières d’un nombre minimal de six navires pendant toute la durée de la concession. Il s’engage également à garantir, dès les premières années d’exploitation, l’utilisation dans une large proportion de la capacité du terminal (1,5 million d’EVP). A travers ce contrat, TMSA assure une mise en service de l’ensemble du principal quai à conteneurs du port, d’une longueur de 1.612 m dès 2008, permettant ainsi à Tanger-med d’atteindre une taille critique en termes de trafic27. La concession des services de remorquage du port Tanger-med a été attribuée au profit de Bourbon Maritime (France), filiale à 100% de Bourbon SA (société cotée au second marché de la Bourse de Paris), est implantée, par le biais de ses filiales, en Europe, Afrique, Asie et sur le continent américain. Bourbon Maritime est reconnu comme un des leaders mondiaux dans les services maritimes, à travers les activités suivantes, remorquage portuaire, l’assistance et le sauvetage en haute mer ainsi que les services maritimes à l’offshore pétrolier. Bourbon Maritime est également présent dans le transport de vrac sec. Sa filiale spécialisée dans le remorquage, dénommée « Les Abeilles », a été créée en 1864 au Havre. Elle comprend 75 remorqueurs, sur un total de 285 navires gérés par le groupe. Cette filiale exerce les activités de remorquage dans 15 ports. Selon les termes de la convention de concession qui le lie à TMSA pour une durée de 25 ans, le concessionnaire s’engage à investir un montant d’environ 240 millions de dirhams. Ce montant d’investissement concerne principalement l’équipement du port de quatre remorqueurs neufs, dotés de moyens modernes de lutte contre l’incendie et la pollution. Ces navires sont, par ailleurs, aptes à intervenir en haute mer, octroyant ainsi au port une capacité d’intervention sur le détroit en cas d’incident. Le 25 juillet 2006 la concession des services de distribution d’eau et d’électricité, d’assainissement liquide et solide, d’éclairage public, d’hygiène et de propreté du complexe portuaire Tanger-med était confiée à un consortium franco-marocain composé de l’Office national de l’électricité (ONE), l’Office national de l’eau potable (ONEP), Pizzorno Environnement (France) et Segedema (France). Il a été retenu à la suite de l’appel d’offres restreint lancé en juillet 2006 par TMSA. Le périmètre de la concession couvre aussi bien le port Tanger-med et ses dépendances que la zone franche logistique (Medhub).
Selon la convention de concession, qui liera les concessionnaires à TMSA pour une durée de 15 ans, le consortium aura à sa charge le financement et la gestion des réseaux d’eau, d’électricité et d’assainissement du complexe portuaire, ainsi que la distribution de l’ensemble des services y afférents à l’attention des usagers du complexe. Le consortium ONE-ONEP-Pizzorno-Segedema qui se dotera, à ce titre, de moyens modernes en matière de téléconduite, relève des réseaux et de gestion de la clientèle pour offrir des prestations conformes aux standards internationaux, souligne TMSA. L’ONE détiendra 48 % du capital de la société concessionnaire, l’ONEP 42 %, Pizzorno Environnement 8 % et Segedema 2 %. Pizzorno Environnement est un des pionniers de la gestion des déchets ménagers et industriels banals en France. Il opère également à l’international, notamment au Maroc. Sa filiale Segedema, présente dans le Royaume depuis 1997, est le premier prestataire privé du pays dans les métiers de propreté urbaine, de collecte de déchets et d’exploitation de centres d’enfouissement technique. A noter que le projet des zones franches adossées au projet Tanger-med s’appuie sur trois espaces décrétés : la zone franche logistique portuaire, la zone franche industrielle de Melloussa (600 ha) et la zone franche commerciale de Fnideq (200ha)28.


CONCLUSION

En matière portuaire, le XX ème siècle et le début du XXI constitue pour le Maroc une période de quête des meilleurs solutions afin de gérer ses ports. Le Maroc attend beaucoup de cette plate-forme multimodale qu’est Tanger-med pour massifier les flux, attirer les investissements et accroître la position stratégique de cette infrastructure qui s’inscrit dans une politique de décentralisation administrative qui favorisera l’émergence d’une nouvelle division des responsabilités politiques, réglementaires et centrales. Plus qu’un projet portuaire, le complexe Tanger-med s’inscrit dans une logique de redynamisation territoriale et vise un large développement économique et social de la région ainsi que son ancrage dans l’espace euro-méditérranéen.
BIBLIOGRAPHIE
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II- ARTICLES DE REVUES SPECIALISEES J. CHAPON, Partenariat public/privé en matière portuaire, conférence CIMER 98, Saint- Denis de la Réunion, Revue transport n° 394, mars-avril 1999.
H.CHERKAOUI :
· L’intervention de l’exploitant portuaire au Maroc et la rupture de charge du transporteur maritime, DMF, 1996, p 99.
· L’apport des Règles de Hambourg par rapport au Dahir de 1919, DMF, 1997, p 629.
N. CHERFAOUI, Le système portuaire Marocain, Revue marocaine d’audit et de développement, n° 20, juin 2005.
M. DEWEVRE-FOURCADE et R. REZENTHEL, La réforme du régime de la domanialité publique et le développement économique des ports, DMF, 1995, p. 419. L. FEDI et R. REZENTHEL, Exploitation des terminaux portuaires face aux enjeux maritimes du XXI ème siècle, DMF, octobre 2007. M. NDENDE, Les mécanismes juridiques d’exploitation des terminaux portuaires (essaie de synthèse et approches comparées), ADMO, Nantes, 2005. R. REZENTHEL, · La gestion privative dans les ports maritimes, JMM, 3 décembre 1993, p. 2969. · Les concessions portuaires, DMF, 1997, p. 188, 294 et 410. · Le régime d’exploiataion des terminaux portuaires, Mélanges Pierre Bonassies, Paris, 2001. III- TEXTES LEGISLATIFS, INSTRUMENTS CONVENTIONNELS ET RAPPORTS La loi marocaine 17-98 complétant le Dahir du 30 novembre 1918 relatif aux occupations temporaires du domaine public.

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Une autorisation d’exercer accordée à un second syndicat d’acconiers par le directeur général du Port autonome de Douala (Pad) à l’origine de vives tensions avec les dockers du syndicat existant. Plus de 15 navires bloqués ce samedi 3 septembre pendant 6 heures. Ce samedi 3 septembre 2011, près de 1 500 dockers du Groupement professionnel des acconiers du Cameroun (Gpac) en service au port autonome de Douala (Pad) ont observé un arrêt de travail d’environ 6 heures. Par conséquent, tous les navires à quai, 15, d’après Lin Dieudonné Onana Ndoh, le secrétaire général du Gpac, sont restés immobilisés pendant tout ce temps. Avec leur contenu. Il était impossible de faire la moindre manœuvre. Les membres de l’équipage, cloitrés à bord, sont restés impuissants face à cette invasion, qui a commencé le 29 août 2011, au quai n°2, vers les installations du Chantier naval et industriel du Cameroun (Cnic). Ce jour-là, le navire poissonnier MW Frio Melchior, le premier du genre à être accos