Les lois du Grenelle de l’environnement, adoptées en 2010, fixent des obligations de réduction des consommations énergétiques de tous les bâtiments, ainsi que de leur empreinte environnementale. Les entrepôts et plateformes logistiques sont, eux aussi, concernés par ces objectifs ambitieux, dont le bâti ancien qui constitue 95 % du parc. L’ensemble des acteurs de la filière logistique est à présent conscient des enjeux posés par le développement durable. Symbole de cette mutation, les entrepôts à énergie positive sont en passe de devenir une réalité.
Depuis le Grenelle de l’environnement impulsé en 2007, le cadre réglementaire se fait contraignant et impose des obligations de plus en plus fortes dans la conception et l’exploitation des bâtiments. La Régulation thermique 2012 en est un bon exemple. Le nouveau seuil de consommation d’énergie autorisé est trois fois inférieur à la précédente RT 2005. Labels et démarche responsables, tels que la certification ISO 14001 sur la performance environnementale ou le référentiel NF Bâtiments Tertiaires-Démarche HQE® “plateforme logistique”, consacrent ce saut qualitatif. Attendu pour 2012, le Bail vert marquera une avancée supplémentaire. Il établit des obligations contractuelles entre le locataire et le propriétaire d’un bâtiment avec obligation de favoriser l’amélioration constante de la consommation d’énergie.
Certains acteurs du secteur sont déjà bien positionnés sur le chantier du développement durable. Gazeley, société britannique, propriété d’EZW, groupe Dubaï World, est emblématique de cette dynamique. La société se distingue dans l’excellence environnementale et fait figure aujourd’hui de leader sur le marché de la construction d’entrepôts et de bâtiments tertiaires. “Notre orientation stratégique remonte à 2002 ; les concurrents au début nous ont pris pour des fous, “c’est beaucoup trop cher” disaient-ils, se rappelle Marie-Laure Lebrat, directrice du développement durable chez Gazeley France, mais nous avons réussi et aujourd’hui, cette dimension est totalement intégrée dans notre travail comme un élément normal ; nous améliorons nos méthodes avec nos partenaires pour proposer les technologies qui s’imposeront dans 10 ans mais en gardant toujours comme objectif la notion de rentabilité.”
La législation en cours accompagne donc le développement de bonnes pratiques environnementales déjà en gestation dans la filière et permet le développement d’outils de contrôle des consommations de matières premières dont la principale est l’électricité. Gazeley est en pointe aussi sur ce sujet avec un outil Internet qui permet de connaître en temps réels les consommations de chacun de ses sites. “Ce n’est pas encore le bail vert, concède Marie-Laure Lebrat, mais on s’en rapproche.” D’autres acteurs mènent à leur niveau des initiatives similaires. Gefco, acteur mondial du fret et possédant un parc important, a mis au point un outil de tracking de toutes les consommations de la chaîne logistique. “Nous allons bientôt le proposer à nos clients avec pour objectif d’optimiser et faire baisser leurs consommations.” Un produit commercial et écologique à la fois appelé à se généraliser.
Le dispositif légal et les initiatives des entreprises logistiques sont en ordre de marche. Les nouveaux entrepôts affichent une efficience énergétique et assurent également la récupération de l’eau, une luminosité naturelle pour plus de confort des manutentionnaires et une bonne intégration paysagère. Toutefois, la question de la mise à niveau du bâti ancien est plus problématique.
La rénovation en question
Le parc ancien représente 95 % du volume des entrepôts et plateformes. Beaucoup sont considérés comme des “passoires énergétiques”. Les lois du Grenelle imposent une réduction de 38 % de leur consommation d’énergie à l’horizon 2020 mais les avis des spécialistes sur la faisabilité d’un tel objectif sont partagés. Laurent Payet, du cabinet d’études Dauchez Payet, y croit : “On peut envisager plusieurs pistes pour atteindre cet objectif, d’abord en travaillant sur l’éclairage qui représente les deux tiers de la consommation électrique ; en remplaçant par exemple les ampoules par des modèles à iodures métalliques et par des lampes à incandescence ; ou en recourant au zoning (détection de présence) et ensuite par une efficacité accrue des équipements, tels que les pompes d’eau chaude et le chauffage ; c’est en fait beaucoup une question d’usage et de sensibilisation des utilisateurs.” Des pistes intéressantes mais seront-elles suffisantes ?
Patrick Nossent, président de l’organisme certificateur Certivéa, estime qu’“il faut y aller à fond, une approche globale est plus bénéfique que de repasser par petites touches tous les deux ans. Un euro investi dans l’amélioration des performances de l’ancien rapportera plus qu’un euro investi dans du HQE”. Tout en prônant la sélectivité, “il peut être intéressant de rénover un vieil entrepôt, passoire énergétique, s’il est bien situé”. Considérant les difficultés que pose la rénovation, Yves Fargues chez Gefco abonde dans le même sens : “Nous ne possédons que 15 % de notre parc, le reste est en location et même si nous avons beaucoup rénové depuis 10 ans, nous nous sommes séparés des bâtiments les plus faibles au gré des opportunités du moment.” Les réponses sont donc différentes selon les intérêts des multiples acteurs du secteur. La rénovation sera le gros chantier des années à venir, sans remettre en cause l’implication de toute la chaîne logistique vers une démarche de développement durable.
Une dynamique européenne et mondiale
“La révolution culturelle est déjà faite, tous les grands industriels ont intégré la question du développement durable”, assure Yves Fargues chez Gefco. Et il est vrai qu’on ne compte plus les initiatives vertes en faveur des bâtiments logistiques : 18 000 m² d’entrepôts HQE à Dole, 200 000 m² à Amiens… Nulle philanthropie dans ces initiatives comme le souligne Pierre Freydier, directeur de projet chez GCL Group : “Le moteur n’est pas la préservation de la planète mais plutôt de satisfaire les principes de la logistique qui sont de faire baisser les coûts et le prix des actifs.” Et “le secteur dispose de plusieurs atouts notamment ses grandes surfaces pour accueillir du solaire et du photovoltaïque”, ajoute Patrick Nossent. A Bayonne, Sogaris, un acteur immobilier et de services logistiques, a décidé fin 2010 de construire une toiture photovoltaïque sur une plateforme de 6 000 m2 qui rapportera selon la société 150 000 euros par an grâce à la vente d’électricité et économisera 113 tonnes de CO2 sur 20 ans.
Si les projets fleurissent partout en France, ils sont à replacer dans une dynamique européenne et mondiale. Tous les pays sont concernés, dont les émergents et les pays de l’est de l’Europe qui prennent des positions fortes sur ces questions. Yves Fargues insiste sur la généralisation des contraintes environnementales dans tous les pays où Gefco est présent : “Dernièrement nous avons pu constater en République tchèque combien les procédures peuvent être strictes ; il ne faut pas croire que les petits pays ou les puissances émergentes ne font rien, c’est même plutôt le contraire ; les choses sont très avancées au Brésil ; là-bas un arbre coupé, c’est un arbre planté ; même en Russie les autorités conduisent des mesures de l’air au cours des chantiers de construction d’entrepôts et possèdent une police de l’eau.”
Le mouvement est global et la France est bien placée dans cette compétition du mieux-disant environnemental selon Patrick Nossent : “Nous n’avons pas à rougir de ce qui se fait en France ; le HQE est reconnu à l’étranger comme un système qualitatif et adaptable, ce qui nous manque encore sur le territoire, c’est une bonne communication hors de nos publics traditionnels.” Il est vrai que, malgré ses efforts, la logistique souffre d’une image négative dans l’opinion en raison principalement de la présence massive des camions sur les routes et dans les villes, mais aussi en raison de la piètre qualité esthétique des entrepôts. Mais les choses évoluent, le bâtiment logistique est entré dans une nouvelle ère.
Les bâtiments à énergie positive déjà en activité
Le bâtiment à énergie positive n’est plus de la science-fiction. Produisant plus d’énergie qu’elles n’en consomment, ces constructions représentent l’archétype de cette nouvelle conception et commencent à faire leur apparition. Parmi les projets qui comptent, le Gazeley Park Blue Planet sur le site de Chatterley Valley au Royaume-Uni est considéré comme l’une des plateformes logistiques les plus écologiques au monde. Sur 34 000 m², ce bâtiment aux formes douces, peint dans un dégradé de vert, concentre toutes les techniques d’économie d’énergie : éclairage naturel zénithal, panneaux solaires et photovoltaïques, éclairage par détection de présence (zoning), récupération des eaux de pluie. Le G. Park Blue Planet économise 1 800 tonnes de CO² par an comparé aux niveaux autorisés. Neutre en énergie, le site alimente aujourd’hui 3 100 maisons alentour. Il a reçu lors de son ouverture la distinction la plus élevée du Breeam, la certification en cours outre-Manche.
La France ne compte actuellement aucun représentant de ce type, mais plusieurs projets sont attendus tels l’immeuble de bureaux Solaris à Clamart (92) et le siège du Grand Port Maritime de La Rochelle. Le succès de ces projets repose sur une étude fine de tous les processus de construction, du choix des matériaux à la maintenance. Un exemple parmi d’autres, les poutres de bois en lamellé-collé sont aujourd’hui largement utilisées dans l’ossature des bâtiments et rompent avec l’ère du tout-ciment. Le quai de messagerie de 5 000 m² de Gefco, inauguré en 2009 à Toulouse, utilise ce matériau. Recouvert de panneaux photovoltaïques, le bâtiment est en mesure d’alimenter 100 ménages par an. Le bâtiment logistique est donc en bonne voie pour réussir le pari du développement durable en 2020, mais cela suffira-t-il pour atteindre les objectifs du Facteur 4 en 2050 ?
Le bâtiment, maillon de la révolution logistique
Le Facteur 4, ainsi nommé car il fixe pour objectif une réduction par 4 des émissions de CO² d’ici 2050 par rapport aux niveaux de 1990, apparaît comme un pari très ambitieux. Concernant les entrepôts ou les plateformes logistiques, leur part reste relativement faible soit 7 à 10 % des coûts d’exploitation de la chaîne logistique ; l’immense part revenant au fret de marchandises. Néanmoins, l’organisation de l’entrepôt et sa localisation jouent un rôle essentiel pour rationaliser les distances parcourues, le taux de remplissage des camions ou l’utilisation optimale des flottes et des locaux. Dans ces conditions, quelles peuvent être les innovations permettant de basculer vers un modèle résolument sobre en énergie et respectueux de l’environnement ? Pour y répondre, il faut replacer le site de stockage dans un ensemble et repenser la totalité de la chaîne. “Le bâtiment n’est qu’un des aspects du problème, souligne Patrick Nossent, réduire les impacts sur l’environnement, c’est mener une réflexion sur l’organisation générale pour mettre en place des circuits courts, développer de méga-entrepôts à la périphérie des villes ou intensifier le système du flux tendu.” Les réflexions sur le bâtiment sont donc globales et pour certaines largement prospectives tant elles dépendent d’évolutions politiques et sociétales.
La qualité du lieu d’implantation d’un entrepôt compte plus en termes de réduction d’impact environnemental que la qualité de son bâti. La multimodalité, transport du fret par un mix eau, mer et route, est prônée autant par les entreprises que par les politiques. Et les initiatives pour développer les transports ferroviaires ou le transport par voie d’eau montrent que les Etats ont pris la mesure de l’enjeu. Le projet de Canal Seine Nord traduit cette volonté. Ce canal, projet de l’Union européenne et inscrit dans la loi du Grenelle I, doit relier Dunkerque à Rotterdam, axe de transport majeur en Europe, a démarré en avril et devrait être mis en service en 2017. “C’est un projet important, analyse Céline Bernard, chargée de la logistique durable à l’Aslog, mais concernant ces grands aménagements, l’offre pour l’instant n’est pas en place et freine la demande.” Une autre piste pour réduire l’impact environnemental réside dans une amélioration des taux d’utilisation des espaces et des flux. Il est beaucoup question de mutualisation des bâtiments et des flottes au sein de “parcs logistiques” mais ces pratiques qui consistent à mettre des biens en commun entre plusieurs logisticiens sont encore embryonnaires.
Enfin, il faut repenser les rapports entre la logistique et la ville. En effet, l’acheminement final représente 20 % des émissions de la filière, c’est la logistique des derniers kilomètres. Le problème concentre toutes les problématiques du secteur : localisation, taille et aspect des entrepôts, modes d’acheminement. Il faut alors imaginer des évolutions profondes des pratiques des entreprises notamment en développant les livraisons nocturnes pour mettre fin à l’engorgement urbain mais aussi une évolution des règles d’urbanisme pour permettre l’implantation de bâtiments au cœur des villes et une politique d’accès au foncier adéquate. “La logistique urbaine est un objectif pour passer à des modes d’acheminement et de livraison plus doux, développe Céline Bernard, les collectivités montrent de l’intérêt mais la pression foncière dans les grandes villes rend les évolutions complexes.” La tâche est donc immense mais elle pourrait être facilitée par l’évolution des pratiques comme la montée en puissance de la commande par Internet et la livraison directe chez le particulier ou l’obligation d’enlèvement des anciens matériels par le livreur (reverse logistic).
“On assiste à un mélange de la logistique b-to-c et b-to-b, ajoute Céline Bernard, les entreprises regardent beaucoup ce qui se fait pour arriver au cœur des villes, l’exemple du chemin de fer arrivant sous le ministère de l’Economie à Bercy est un exemple à suivre.” Toutefois, la réussite d’une politique optimale de développement durable reste encore un pari ambitieux et les grandes réflexions sur la logistique de demain sont circonscrites pour un temps aux discussions dans les salons professionnels.
Depuis le Grenelle de l’environnement impulsé en 2007, le cadre réglementaire se fait contraignant et impose des obligations de plus en plus fortes dans la conception et l’exploitation des bâtiments. La Régulation thermique 2012 en est un bon exemple. Le nouveau seuil de consommation d’énergie autorisé est trois fois inférieur à la précédente RT 2005. Labels et démarche responsables, tels que la certification ISO 14001 sur la performance environnementale ou le référentiel NF Bâtiments Tertiaires-Démarche HQE® “plateforme logistique”, consacrent ce saut qualitatif. Attendu pour 2012, le Bail vert marquera une avancée supplémentaire. Il établit des obligations contractuelles entre le locataire et le propriétaire d’un bâtiment avec obligation de favoriser l’amélioration constante de la consommation d’énergie.
Certains acteurs du secteur sont déjà bien positionnés sur le chantier du développement durable. Gazeley, société britannique, propriété d’EZW, groupe Dubaï World, est emblématique de cette dynamique. La société se distingue dans l’excellence environnementale et fait figure aujourd’hui de leader sur le marché de la construction d’entrepôts et de bâtiments tertiaires. “Notre orientation stratégique remonte à 2002 ; les concurrents au début nous ont pris pour des fous, “c’est beaucoup trop cher” disaient-ils, se rappelle Marie-Laure Lebrat, directrice du développement durable chez Gazeley France, mais nous avons réussi et aujourd’hui, cette dimension est totalement intégrée dans notre travail comme un élément normal ; nous améliorons nos méthodes avec nos partenaires pour proposer les technologies qui s’imposeront dans 10 ans mais en gardant toujours comme objectif la notion de rentabilité.”
La législation en cours accompagne donc le développement de bonnes pratiques environnementales déjà en gestation dans la filière et permet le développement d’outils de contrôle des consommations de matières premières dont la principale est l’électricité. Gazeley est en pointe aussi sur ce sujet avec un outil Internet qui permet de connaître en temps réels les consommations de chacun de ses sites. “Ce n’est pas encore le bail vert, concède Marie-Laure Lebrat, mais on s’en rapproche.” D’autres acteurs mènent à leur niveau des initiatives similaires. Gefco, acteur mondial du fret et possédant un parc important, a mis au point un outil de tracking de toutes les consommations de la chaîne logistique. “Nous allons bientôt le proposer à nos clients avec pour objectif d’optimiser et faire baisser leurs consommations.” Un produit commercial et écologique à la fois appelé à se généraliser.
Le dispositif légal et les initiatives des entreprises logistiques sont en ordre de marche. Les nouveaux entrepôts affichent une efficience énergétique et assurent également la récupération de l’eau, une luminosité naturelle pour plus de confort des manutentionnaires et une bonne intégration paysagère. Toutefois, la question de la mise à niveau du bâti ancien est plus problématique.
La rénovation en question
Le parc ancien représente 95 % du volume des entrepôts et plateformes. Beaucoup sont considérés comme des “passoires énergétiques”. Les lois du Grenelle imposent une réduction de 38 % de leur consommation d’énergie à l’horizon 2020 mais les avis des spécialistes sur la faisabilité d’un tel objectif sont partagés. Laurent Payet, du cabinet d’études Dauchez Payet, y croit : “On peut envisager plusieurs pistes pour atteindre cet objectif, d’abord en travaillant sur l’éclairage qui représente les deux tiers de la consommation électrique ; en remplaçant par exemple les ampoules par des modèles à iodures métalliques et par des lampes à incandescence ; ou en recourant au zoning (détection de présence) et ensuite par une efficacité accrue des équipements, tels que les pompes d’eau chaude et le chauffage ; c’est en fait beaucoup une question d’usage et de sensibilisation des utilisateurs.” Des pistes intéressantes mais seront-elles suffisantes ?
Patrick Nossent, président de l’organisme certificateur Certivéa, estime qu’“il faut y aller à fond, une approche globale est plus bénéfique que de repasser par petites touches tous les deux ans. Un euro investi dans l’amélioration des performances de l’ancien rapportera plus qu’un euro investi dans du HQE”. Tout en prônant la sélectivité, “il peut être intéressant de rénover un vieil entrepôt, passoire énergétique, s’il est bien situé”. Considérant les difficultés que pose la rénovation, Yves Fargues chez Gefco abonde dans le même sens : “Nous ne possédons que 15 % de notre parc, le reste est en location et même si nous avons beaucoup rénové depuis 10 ans, nous nous sommes séparés des bâtiments les plus faibles au gré des opportunités du moment.” Les réponses sont donc différentes selon les intérêts des multiples acteurs du secteur. La rénovation sera le gros chantier des années à venir, sans remettre en cause l’implication de toute la chaîne logistique vers une démarche de développement durable.
Une dynamique européenne et mondiale
“La révolution culturelle est déjà faite, tous les grands industriels ont intégré la question du développement durable”, assure Yves Fargues chez Gefco. Et il est vrai qu’on ne compte plus les initiatives vertes en faveur des bâtiments logistiques : 18 000 m² d’entrepôts HQE à Dole, 200 000 m² à Amiens… Nulle philanthropie dans ces initiatives comme le souligne Pierre Freydier, directeur de projet chez GCL Group : “Le moteur n’est pas la préservation de la planète mais plutôt de satisfaire les principes de la logistique qui sont de faire baisser les coûts et le prix des actifs.” Et “le secteur dispose de plusieurs atouts notamment ses grandes surfaces pour accueillir du solaire et du photovoltaïque”, ajoute Patrick Nossent. A Bayonne, Sogaris, un acteur immobilier et de services logistiques, a décidé fin 2010 de construire une toiture photovoltaïque sur une plateforme de 6 000 m2 qui rapportera selon la société 150 000 euros par an grâce à la vente d’électricité et économisera 113 tonnes de CO2 sur 20 ans.
Si les projets fleurissent partout en France, ils sont à replacer dans une dynamique européenne et mondiale. Tous les pays sont concernés, dont les émergents et les pays de l’est de l’Europe qui prennent des positions fortes sur ces questions. Yves Fargues insiste sur la généralisation des contraintes environnementales dans tous les pays où Gefco est présent : “Dernièrement nous avons pu constater en République tchèque combien les procédures peuvent être strictes ; il ne faut pas croire que les petits pays ou les puissances émergentes ne font rien, c’est même plutôt le contraire ; les choses sont très avancées au Brésil ; là-bas un arbre coupé, c’est un arbre planté ; même en Russie les autorités conduisent des mesures de l’air au cours des chantiers de construction d’entrepôts et possèdent une police de l’eau.”
Le mouvement est global et la France est bien placée dans cette compétition du mieux-disant environnemental selon Patrick Nossent : “Nous n’avons pas à rougir de ce qui se fait en France ; le HQE est reconnu à l’étranger comme un système qualitatif et adaptable, ce qui nous manque encore sur le territoire, c’est une bonne communication hors de nos publics traditionnels.” Il est vrai que, malgré ses efforts, la logistique souffre d’une image négative dans l’opinion en raison principalement de la présence massive des camions sur les routes et dans les villes, mais aussi en raison de la piètre qualité esthétique des entrepôts. Mais les choses évoluent, le bâtiment logistique est entré dans une nouvelle ère.
Les bâtiments à énergie positive déjà en activité
Le bâtiment à énergie positive n’est plus de la science-fiction. Produisant plus d’énergie qu’elles n’en consomment, ces constructions représentent l’archétype de cette nouvelle conception et commencent à faire leur apparition. Parmi les projets qui comptent, le Gazeley Park Blue Planet sur le site de Chatterley Valley au Royaume-Uni est considéré comme l’une des plateformes logistiques les plus écologiques au monde. Sur 34 000 m², ce bâtiment aux formes douces, peint dans un dégradé de vert, concentre toutes les techniques d’économie d’énergie : éclairage naturel zénithal, panneaux solaires et photovoltaïques, éclairage par détection de présence (zoning), récupération des eaux de pluie. Le G. Park Blue Planet économise 1 800 tonnes de CO² par an comparé aux niveaux autorisés. Neutre en énergie, le site alimente aujourd’hui 3 100 maisons alentour. Il a reçu lors de son ouverture la distinction la plus élevée du Breeam, la certification en cours outre-Manche.
La France ne compte actuellement aucun représentant de ce type, mais plusieurs projets sont attendus tels l’immeuble de bureaux Solaris à Clamart (92) et le siège du Grand Port Maritime de La Rochelle. Le succès de ces projets repose sur une étude fine de tous les processus de construction, du choix des matériaux à la maintenance. Un exemple parmi d’autres, les poutres de bois en lamellé-collé sont aujourd’hui largement utilisées dans l’ossature des bâtiments et rompent avec l’ère du tout-ciment. Le quai de messagerie de 5 000 m² de Gefco, inauguré en 2009 à Toulouse, utilise ce matériau. Recouvert de panneaux photovoltaïques, le bâtiment est en mesure d’alimenter 100 ménages par an. Le bâtiment logistique est donc en bonne voie pour réussir le pari du développement durable en 2020, mais cela suffira-t-il pour atteindre les objectifs du Facteur 4 en 2050 ?
Le bâtiment, maillon de la révolution logistique
Le Facteur 4, ainsi nommé car il fixe pour objectif une réduction par 4 des émissions de CO² d’ici 2050 par rapport aux niveaux de 1990, apparaît comme un pari très ambitieux. Concernant les entrepôts ou les plateformes logistiques, leur part reste relativement faible soit 7 à 10 % des coûts d’exploitation de la chaîne logistique ; l’immense part revenant au fret de marchandises. Néanmoins, l’organisation de l’entrepôt et sa localisation jouent un rôle essentiel pour rationaliser les distances parcourues, le taux de remplissage des camions ou l’utilisation optimale des flottes et des locaux. Dans ces conditions, quelles peuvent être les innovations permettant de basculer vers un modèle résolument sobre en énergie et respectueux de l’environnement ? Pour y répondre, il faut replacer le site de stockage dans un ensemble et repenser la totalité de la chaîne. “Le bâtiment n’est qu’un des aspects du problème, souligne Patrick Nossent, réduire les impacts sur l’environnement, c’est mener une réflexion sur l’organisation générale pour mettre en place des circuits courts, développer de méga-entrepôts à la périphérie des villes ou intensifier le système du flux tendu.” Les réflexions sur le bâtiment sont donc globales et pour certaines largement prospectives tant elles dépendent d’évolutions politiques et sociétales.
La qualité du lieu d’implantation d’un entrepôt compte plus en termes de réduction d’impact environnemental que la qualité de son bâti. La multimodalité, transport du fret par un mix eau, mer et route, est prônée autant par les entreprises que par les politiques. Et les initiatives pour développer les transports ferroviaires ou le transport par voie d’eau montrent que les Etats ont pris la mesure de l’enjeu. Le projet de Canal Seine Nord traduit cette volonté. Ce canal, projet de l’Union européenne et inscrit dans la loi du Grenelle I, doit relier Dunkerque à Rotterdam, axe de transport majeur en Europe, a démarré en avril et devrait être mis en service en 2017. “C’est un projet important, analyse Céline Bernard, chargée de la logistique durable à l’Aslog, mais concernant ces grands aménagements, l’offre pour l’instant n’est pas en place et freine la demande.” Une autre piste pour réduire l’impact environnemental réside dans une amélioration des taux d’utilisation des espaces et des flux. Il est beaucoup question de mutualisation des bâtiments et des flottes au sein de “parcs logistiques” mais ces pratiques qui consistent à mettre des biens en commun entre plusieurs logisticiens sont encore embryonnaires.
Enfin, il faut repenser les rapports entre la logistique et la ville. En effet, l’acheminement final représente 20 % des émissions de la filière, c’est la logistique des derniers kilomètres. Le problème concentre toutes les problématiques du secteur : localisation, taille et aspect des entrepôts, modes d’acheminement. Il faut alors imaginer des évolutions profondes des pratiques des entreprises notamment en développant les livraisons nocturnes pour mettre fin à l’engorgement urbain mais aussi une évolution des règles d’urbanisme pour permettre l’implantation de bâtiments au cœur des villes et une politique d’accès au foncier adéquate. “La logistique urbaine est un objectif pour passer à des modes d’acheminement et de livraison plus doux, développe Céline Bernard, les collectivités montrent de l’intérêt mais la pression foncière dans les grandes villes rend les évolutions complexes.” La tâche est donc immense mais elle pourrait être facilitée par l’évolution des pratiques comme la montée en puissance de la commande par Internet et la livraison directe chez le particulier ou l’obligation d’enlèvement des anciens matériels par le livreur (reverse logistic).
“On assiste à un mélange de la logistique b-to-c et b-to-b, ajoute Céline Bernard, les entreprises regardent beaucoup ce qui se fait pour arriver au cœur des villes, l’exemple du chemin de fer arrivant sous le ministère de l’Economie à Bercy est un exemple à suivre.” Toutefois, la réussite d’une politique optimale de développement durable reste encore un pari ambitieux et les grandes réflexions sur la logistique de demain sont circonscrites pour un temps aux discussions dans les salons professionnels.
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