Karim Ghellab a eu à initier les réformes les plus impopulaires et les plus décisives pour conduire le Maroc vers la modernité : libéralisation des services portuaires, des services aéroportuaires, accord d’open sky avec l’Europe, réforme du Code de la route, instauration du permis à points et, last but not least, accélération du programme autoroutier national. Cet ingénieur des Ponts et Chaussées incarne toute une génération de Marocains bien formés à l’étranger et qui sont aux commandes depuis dix ans.
Les Afriques : En 2000, certains rapports internationaux classaient le Maroc parmi les pays les moins compétitifs en termes de logistique. Dans quelles mesures la série de réformes que vous avez entreprise a-t-elle remédié à cette situation ?
Karim Ghellab : Le Maroc est plutôt en avance par rapport à d’autres pays de la région, en ce qui concerne le développement de ses infrastructures de transports et l’introduction de la concurrence dans les différents modes de transports, par l’ouverture du marché au secteur privé et l’encouragement à la concurrence. Les réformes rigoureuses menées dans les différents modes de transports à l’image de la réforme portuaire, de la libéralisation du transport routier de marchandises et du transport maritime, de l’ouverture du ciel marocain à la concurrence et du nouveau Code de la route, commencent à produire pleinement leurs effets. Ces efforts que nous poursuivons sans relâche, aussi bien en termes d’investissements que de réformes structurelles, se retrouvent dans les résultats réalisés par l’économie marocaine, en dépit de la crise. J’aime aussi illustrer le bien-fondé de notre stratégie de gain de compétitivité à travers les classements des institutions internationales, où le Maroc ne cesse de progresser à tous les niveaux. A titre d’exemple, selon le classement annuel de l’indice de connectivité publié par la CNUCED, le Maroc est passé de la 77ème place mondiale en 2007 à la 17ème place, et devient ainsi le premier en Afrique.
LA : Quelle est la situation des plateformes multimodales mises en place par votre département afin d’améliorer la logistique du pays ?
KG : Le développement d’un réseau de zones logistiques à travers tout le royaume constitue un axe prépondérant dans la mise en œuvre de la stratégie logistique du Maroc. La superficie globale du foncier à mobiliser pour la concrétisation de ce réseau est de près de 3300 ha dont 2080 ha à l’horizon 2015. Il s’agit de développer à terme environ 70 zones logistiques dans 18 villes marocaines. Un grand effort devra être fourni au cours des premières années et à cet effet, près de 32 zones logistiques seront lancées dans 10 villes.
« Le marché des transports aériens internationaux en régime d’open sky, a entraîné une diminution des prix et un développement considérable des volumes en support au développement du tourisme. »
Le développement de telles plateformes nécessite de réunir certaines conditions : un foncier à des coûts raisonnables, mobilisé en majorité par l’Etat, une connectivité adaptée en termes de grande logistique (autoroute, rail) et de petite logistique (par exemple l’innervation pour la desserte des points de vente dans le cas de la distribution). Il est à noter que près d’un tiers des superficies en question concerne Casablanca et est déjà mobilisé (978 ha). Dans cette région, la première zone logistique en cours de réalisation à Zenata, sur une superficie de 323 ha dont 202 ha en 2015. Elle est destinée à abriter les activités liées au traitement des flux de conteneurs, de céréales, de distribution et de sous-traitance logistiques. Je signale aussi que les travaux de la liaison routière adaptée de cette zone avec le port de Casablanca sont également en cours de lancement. La région de Casablanca connaîtra aussi, dans les mois à venir, le lancement du processus de placement d’une deuxième zone logistique dédiée aux activités de distribution et de sous-traitance. Elle devrait répondre aux besoins pressants des opérateurs à la recherche d’immobilier logistique aux standards internationaux.
LA : Quel bilan faites-vous de la loi 15-02 de 2006 sur la réforme portuaire? Concrètement peut-on dire, cinq ans après, que nos ports sont aux normes ? Pourquoi la question d’une flotte marchande puissante n’est-elle pas considérée comme une nécessité de développement du pays ?
KG : Le gouvernement marocain a mis en œuvre cette réforme dans le but d’améliorer la productivité et la compétitivité de l’outil portuaire marocain. Cette réforme a permis, en priorité, de clarifier les rôles des différents acteurs opérant dans les ports, en séparant et distinguant complètement les missions régaliennes et de régulation des missions commerciales. Elle a aussi permis d’introduire l’unicité de la manutention et la concurrence intra et inter portuaire.
Sur le terrain, cette réforme, qui se met en œuvre dans des conditions de travail et de dialogue tout à fait satisfaisants, s’est d’abord traduite par la mise en place de l’Agence nationale des ports, organe de régulation du secteur, par la création de Marsa Maroc, qui a repris les activités commerciales de l’ancien ODEP et par l’introduction de la concurrence au niveau du port de Casablanca au moyen d’une convention de concession à SOMAPORT, manutentionnaire privé relevant du Groupe CMA-CGM.
Ces dispositions commencent à donner pleinement leurs fruits. Les retombées positives enregistrées sur les opérateurs économiques se sont notamment matérialisées par :
• la réduction du coût de passage portuaire (de 30% en moyenne pour les conteneurs) grâce à la simplification des circuits de facturation, la transparence dans les actions commerciales entre les différents acteurs de la chaîne logistique portuaire et le respect du tarif plafond fixé par l’ANP.
• l’amélioration de la qualité de service rendu aux navires et à la marchandise, grâce à la réalisation des rendements minima imposés aux opérateurs concessionnaires et contrôlés par l’Agence nationale des ports.
• l’amélioration de la sécurisation des ports grâce à une meilleure coordination des services concédés.
• l’amélioration de la productivité et de l’outil portuaire grâce à l’encouragement de l’investissement privé dans les infrastructures et l’exploitation.
Par rapport à la question de la flotte marchande, conscient aussi de la nécessité de disposer d’un transport maritime répondant aux besoins de l’économie nationale, le Maroc a procédé à une libéralisation progressive afin de s’adapter à un environnement marqué par une libéralisation internationale de ce secteur.
La concrétisation de cette réforme, par le biais d’un processus progressif de libéralisation de transport maritime de fret en lignes régulières, a levé des contraintes et a garanti aux chargeurs une diversité de l’offre de transport accompagnée d’une amélioration de la qualité de service et du délai d’acheminement de leurs produits aux marchés, à des taux de fret compétitifs, et ce dans la mesure où le marché a été également ouvert aux pavillons étrangers. Cette libéralisation a permis d’améliorer la desserte maritime du Maroc avec l’ouverture, depuis l’été 2007, de nouvelles lignes maritimes, principalement vers l’Europe.
Après 2007, de nouvelles lignes régulières de fret ont été initiées et d’autres ont été renforcées, ce qui porte le nombre total de lignes régulières à une trentaine (hors les dessertes du port de Tanger Med).
Exemples de lignes : Agadir-Port-Vendres, Agadir-Saint-Pétersbourg, Casablanca-La Spezia (renforcement), Casablanca-Barcelone-Gênes-Radès. Tanger Med est desservi par 48 services maritimes réguliers et relié à environ 120 ports internationaux.
Pour le transport de passagers, dans le cadre de la nouvelle réglementation (Cahier de charges), neuf lignes ont été initiées. Exemples de lignes passager : Tanger-Gênes, via Barcelone, Tanger-Tarifa (renforcement), Tanger-Barcelone-Livourne (novembre 2010).
LA : Quel rôle a pu jouer la réforme du Code de la route, et notamment l’introduction du permis à points, dans la quête de compétitivité du royaume ?
KG : La problématique de l’insécurité routière est un de nos grands défis au sein du ministère. Nous étudions l’état d’avancement des actions, l’évolution des statistiques, l’évaluation du cadre de coordination et de l’efficacité des actions opérationnelles mises en œuvre dans le cadre des Plans stratégiques intégrés d’urgence (PSIU). Je vous rappelle que le nouveau Code de la route, avec notamment l’introduction du permis à points, est un outil principal dans la politique de lutte contre la délinquance routière et dans la prévention des accidents de circulation. Comme cela était attendu, son entrée en vigueur en octobre 2010 a été marquée et suivie par une baisse du nombre et de la gravité des accidents, et on ne peut donc que se féliciter des résultats encourageants enregistrés en termes d’amélioration des indicateurs de suivi de la sécurité routière.
Les chiffres des accidents de la circulation durant les trois premiers mois d’application du nouveau code dessinent une nette tendance à la baisse, -17,51% d’accidents et -17,58% de tués. Nous œuvrons sans relâche à la consolidation de ces résultats par la poursuite des efforts de définition et de réalisation des PSIU, par un maintien de vigilance et de rigueur dans la mise en œuvre du Code de la route et par des plans d’action mis en place pour son accompagnement au mieux (acquisition de matériel, formation, modernisation et mise à niveau des infrastructures et des procédures, coordination…). En outre, ce nouveau code nous donne le cadre légal pour une meilleure organisation et régulation des professions liées directement au transport routier : conducteurs professionnels, visiteurs techniques, instructeurs, gestionnaires d’auto-écoles ou de centre de visites techniques, importateurs de véhicules de collection …
Nous attendons beaucoup en termes de résultats à ce niveau et nous sommes assez confiants, notamment grâce à la formation, le contrôle et le suivi des connaissances et des activités qui ont été institués par la loi et qui vont permettre le maintien d’un bon niveau de qualité au sein de ces secteurs et donc un ordre certain sur les routes et dans la conduite en général.
LA : L’open sky, signé entre le Maroc et l’Union européenne, connaît quelques difficultés concernant le droit d’établissement. Cette ouverture ne favorise-t-elle pas les compagnies étrangères au détriment de la Royal Air Maroc (RAM)?
KG : Cet accord est entré en vigueur depuis décembre 2006 avec une ouverture progressive vers l’accès au marché entre le Maroc et l’UE tout en opérant un alignement sur la législation européenne. On estime que cet accord a drainé près de 4,3 millions de passagers additionnels en provenance ou à destination du Maroc. Les résultats de la mise en œuvre de cet accord sont très satisfaisants. La valeur ajoutée générée dans l’économie marocaine, suite à l’entrée en vigueur de l’open sky avec l’UE à la fin de 2006, est estimée à 12 milliards de dirhams, soit +0,5 point du PIB par an, avec plus de 24 000 emplois directs et indirects induits.
« Le développement d’un réseau de zones logistiques à travers tout le royaume constitue un axe prépondérant dans la mise en œuvre de la stratégie logistique du Maroc. »
Le marché des transports aériens internationaux en régime d’open sky, a entraîné une diminution des prix et un développement considérable des volumes en support au développement du tourisme. Pour un vol entre le Maroc et l’Europe d’une durée moyenne de trois heures, les prix ont baissé de 37% entre 2003 et 2010. En plus, l’offre des compagnies low cost a été multipliée par 12 entre 2006 et 2010, elle a triplé entre 2008 et 2010.
Malgré la complexité de l’équation de développement de RAM dans un marché totalement ouvert et dominé par le modèle low cost, et grâce aux efforts déployés pour renforcer sa compétitivité et sa stratégie commerciale, RAM a su bénéficier de la dynamique créée par la libéralisation du transport aérien au Maroc dans la mesure où le nombre de passagers transportés par cette compagnie a positivement évolué de 3,2 millions de passagers en 2003 à 5,49 en 2010.
RAM reste un acteur incontournable dans le tourisme puisqu’elle assure le transport de 70% du tourisme des tour-opérateurs. Par ailleurs, il faut signaler qu’actuellement RAM est la troisième compagnie africaine par le revenu et qu’elle ambitionne d’accélérer son développement dans le but d’atteindre la place de première compagnie africaine en 2020 et de disposer d’une flotte de 100 appareils en 2025. Cela se traduira par le développement des segments suivants : le hub Afrique, le réseau Maroc-Europe, le long courrier, le domestique, le fret, le tourisme …
LA : Certains opérateurs touristiques réclament une meilleure adéquation entre votre politique des transports, notamment aériens, et leurs besoins. Votre département a-t-il pris en compte leurs revendications ?
KG : Je tiens à préciser que le point départ départ de la politique de libéralisation du transport aérien, menée à partir de 2004 au Maroc, est la volonté d’accompagner le développement du tourisme et la vision 2010, en attirant notamment les compagnies low cost qui ont en effet joué un rôle important dans le renforcement de la desserte aérienne internationale du Maroc. Elles sont sans conteste à l’origine du réel décollage de certains aéroports tels que Marrakech, Fès, Tanger ou Oujda/Nador, qui ont vu leur trafic aérien se développer de manière très soutenue, contribuant ainsi à l’épanouissement de l’activité touristique dans ces régions.
Je rappelle que nous avons aujourd’hui un open sky avec les USA et avec l’UE, nous avons amélioré nos accords bilatéraux vers des accords plus libéraux avec beaucoup de pays africains et arabes et nous poursuivons dans ce sens chaque fois qu’il est possible de le faire. Le ministère étant signataire du nouveau contrat programme pour le développement du tourisme, « vision 2020 », nous sommes résolument engagés à faire de nouvelles prospections et conclure de nouveaux accords régionaux et bilatéraux de libéralisation du transport aérien, afin d’accompagner la promotion du Maroc dans la conquête des nouveaux marchés.
LA : Les échanges commerciaux entre le Maroc et l’Afrique subsaharienne ont pris de l’ampleur suite à la mise en place de la route Tanger-Dakar. Comment expliquez-vous que les grands acteurs TIR se fassent pourtant rares sur cet axe ?
KG : Entre 1990 et 1998, le montant global des échanges commerciaux du Maroc avec les pays d’Afrique subsaharienne s’est élevé, en moyenne annuelle, à 300,6 millions de dollars. Ces échanges commerciaux ont enregistré, entre 1998 et 2008, une nette amélioration. Ils se sont établis à 529 millions de dollars en moyenne annuelle et ont atteint un milliard de dollars en 2008, ce qui a été facilité par la mise en place des infrastructures et des moyens de transport nécessaires (maritime, aérien et routier).
Cependant, la progression soutenue des échanges entre le Maroc et ses partenaires africains durant la période 1998-2008 laisse suggérer qu’un potentiel de développement du commerce de part et d’autre existe.
Certes l’infrastructure routière existe, cependant la motivation des acteurs TIR nécessite un cadre global de libéralisation des échanges commerciaux devant être plus conséquents et requiert un minimum de similitude et de rapprochement de leurs systèmes de transport routier en matière de normes et de réglementation. Outre ces exigences, la concurrence de la voie maritime constitue un frein à l’émergence de compagnies opérant dans le transport routier. Ceci dit, les états concernés devront concevoir des mesures et des actions sous forme d’incitations et d’encouragements, que ce soit au niveau réglementaire, de l’organisation de la profession et, pourquoi pas, d’un appui financier intelligent.
LA : Le Maroc vient de connaître une décennie de réformes dans lesquelles votre département a joué un rôle majeur. A quelle réforme avez-vous consacré la plus grande partie de votre de temps depuis votre entrée en fonction ?
KG : Chaque réforme a des spécificités et des difficultés qui lui sont propres, mais nous avons tenu, au sein du Ministère de l’équipement et des transports, à équilibrer et doser le temps et les efforts et optimiser les moyens et ressources disponibles afin d’avancer efficacement dans la mise en œuvre de toutes les réformes menées selon une vision stratégique, cohérente et intégrée.
Le temps consacré à chaque réforme est fonction du poids du secteur concerné, de l’intensité des concertations à entreprendre avec les partenaires, aussi bien privés que publics, ainsi que des enjeux et impacts mis en jeu. Nous avons pris le temps d’éprouver les réformes conçues et de nous assurer de leurs faisabilités et de l’adhésion de tous les acteurs qui y sont impliqués. Je peux garantir que les effets bénéfiques des différentes réformes ont été largement ressentis par les citoyens et les opérateurs économiques. A titre d’exemple, dans le secteur du transport routier de marchandises, la réforme a permis la création de plus de 17 122 nouvelles entreprises de transport de marchandises et une intégration importante de l’informel dont le taux a baissé de 75% à environ 45%.
Pour résumer et répondre plus directement à votre question, pour sortir ces réformes – qui ont été menées, je le rappelle, en parallèle – nous avons mis en moyenne pour chacune d’elles deux ans pleins, entre études, négociations professionnelles et sectorielles et processus d’approbation, sauf le code de la route qui en a nécessité presque le double. y
Propos recueillis par Nadia Rabbaa
Les Afriques : En 2000, certains rapports internationaux classaient le Maroc parmi les pays les moins compétitifs en termes de logistique. Dans quelles mesures la série de réformes que vous avez entreprise a-t-elle remédié à cette situation ?
Karim Ghellab : Le Maroc est plutôt en avance par rapport à d’autres pays de la région, en ce qui concerne le développement de ses infrastructures de transports et l’introduction de la concurrence dans les différents modes de transports, par l’ouverture du marché au secteur privé et l’encouragement à la concurrence. Les réformes rigoureuses menées dans les différents modes de transports à l’image de la réforme portuaire, de la libéralisation du transport routier de marchandises et du transport maritime, de l’ouverture du ciel marocain à la concurrence et du nouveau Code de la route, commencent à produire pleinement leurs effets. Ces efforts que nous poursuivons sans relâche, aussi bien en termes d’investissements que de réformes structurelles, se retrouvent dans les résultats réalisés par l’économie marocaine, en dépit de la crise. J’aime aussi illustrer le bien-fondé de notre stratégie de gain de compétitivité à travers les classements des institutions internationales, où le Maroc ne cesse de progresser à tous les niveaux. A titre d’exemple, selon le classement annuel de l’indice de connectivité publié par la CNUCED, le Maroc est passé de la 77ème place mondiale en 2007 à la 17ème place, et devient ainsi le premier en Afrique.
LA : Quelle est la situation des plateformes multimodales mises en place par votre département afin d’améliorer la logistique du pays ?
KG : Le développement d’un réseau de zones logistiques à travers tout le royaume constitue un axe prépondérant dans la mise en œuvre de la stratégie logistique du Maroc. La superficie globale du foncier à mobiliser pour la concrétisation de ce réseau est de près de 3300 ha dont 2080 ha à l’horizon 2015. Il s’agit de développer à terme environ 70 zones logistiques dans 18 villes marocaines. Un grand effort devra être fourni au cours des premières années et à cet effet, près de 32 zones logistiques seront lancées dans 10 villes.
« Le marché des transports aériens internationaux en régime d’open sky, a entraîné une diminution des prix et un développement considérable des volumes en support au développement du tourisme. »
Le développement de telles plateformes nécessite de réunir certaines conditions : un foncier à des coûts raisonnables, mobilisé en majorité par l’Etat, une connectivité adaptée en termes de grande logistique (autoroute, rail) et de petite logistique (par exemple l’innervation pour la desserte des points de vente dans le cas de la distribution). Il est à noter que près d’un tiers des superficies en question concerne Casablanca et est déjà mobilisé (978 ha). Dans cette région, la première zone logistique en cours de réalisation à Zenata, sur une superficie de 323 ha dont 202 ha en 2015. Elle est destinée à abriter les activités liées au traitement des flux de conteneurs, de céréales, de distribution et de sous-traitance logistiques. Je signale aussi que les travaux de la liaison routière adaptée de cette zone avec le port de Casablanca sont également en cours de lancement. La région de Casablanca connaîtra aussi, dans les mois à venir, le lancement du processus de placement d’une deuxième zone logistique dédiée aux activités de distribution et de sous-traitance. Elle devrait répondre aux besoins pressants des opérateurs à la recherche d’immobilier logistique aux standards internationaux.
LA : Quel bilan faites-vous de la loi 15-02 de 2006 sur la réforme portuaire? Concrètement peut-on dire, cinq ans après, que nos ports sont aux normes ? Pourquoi la question d’une flotte marchande puissante n’est-elle pas considérée comme une nécessité de développement du pays ?
KG : Le gouvernement marocain a mis en œuvre cette réforme dans le but d’améliorer la productivité et la compétitivité de l’outil portuaire marocain. Cette réforme a permis, en priorité, de clarifier les rôles des différents acteurs opérant dans les ports, en séparant et distinguant complètement les missions régaliennes et de régulation des missions commerciales. Elle a aussi permis d’introduire l’unicité de la manutention et la concurrence intra et inter portuaire.
Sur le terrain, cette réforme, qui se met en œuvre dans des conditions de travail et de dialogue tout à fait satisfaisants, s’est d’abord traduite par la mise en place de l’Agence nationale des ports, organe de régulation du secteur, par la création de Marsa Maroc, qui a repris les activités commerciales de l’ancien ODEP et par l’introduction de la concurrence au niveau du port de Casablanca au moyen d’une convention de concession à SOMAPORT, manutentionnaire privé relevant du Groupe CMA-CGM.
Ces dispositions commencent à donner pleinement leurs fruits. Les retombées positives enregistrées sur les opérateurs économiques se sont notamment matérialisées par :
• la réduction du coût de passage portuaire (de 30% en moyenne pour les conteneurs) grâce à la simplification des circuits de facturation, la transparence dans les actions commerciales entre les différents acteurs de la chaîne logistique portuaire et le respect du tarif plafond fixé par l’ANP.
• l’amélioration de la qualité de service rendu aux navires et à la marchandise, grâce à la réalisation des rendements minima imposés aux opérateurs concessionnaires et contrôlés par l’Agence nationale des ports.
• l’amélioration de la sécurisation des ports grâce à une meilleure coordination des services concédés.
• l’amélioration de la productivité et de l’outil portuaire grâce à l’encouragement de l’investissement privé dans les infrastructures et l’exploitation.
Par rapport à la question de la flotte marchande, conscient aussi de la nécessité de disposer d’un transport maritime répondant aux besoins de l’économie nationale, le Maroc a procédé à une libéralisation progressive afin de s’adapter à un environnement marqué par une libéralisation internationale de ce secteur.
La concrétisation de cette réforme, par le biais d’un processus progressif de libéralisation de transport maritime de fret en lignes régulières, a levé des contraintes et a garanti aux chargeurs une diversité de l’offre de transport accompagnée d’une amélioration de la qualité de service et du délai d’acheminement de leurs produits aux marchés, à des taux de fret compétitifs, et ce dans la mesure où le marché a été également ouvert aux pavillons étrangers. Cette libéralisation a permis d’améliorer la desserte maritime du Maroc avec l’ouverture, depuis l’été 2007, de nouvelles lignes maritimes, principalement vers l’Europe.
Après 2007, de nouvelles lignes régulières de fret ont été initiées et d’autres ont été renforcées, ce qui porte le nombre total de lignes régulières à une trentaine (hors les dessertes du port de Tanger Med).
Exemples de lignes : Agadir-Port-Vendres, Agadir-Saint-Pétersbourg, Casablanca-La Spezia (renforcement), Casablanca-Barcelone-Gênes-Radès. Tanger Med est desservi par 48 services maritimes réguliers et relié à environ 120 ports internationaux.
Pour le transport de passagers, dans le cadre de la nouvelle réglementation (Cahier de charges), neuf lignes ont été initiées. Exemples de lignes passager : Tanger-Gênes, via Barcelone, Tanger-Tarifa (renforcement), Tanger-Barcelone-Livourne (novembre 2010).
LA : Quel rôle a pu jouer la réforme du Code de la route, et notamment l’introduction du permis à points, dans la quête de compétitivité du royaume ?
KG : La problématique de l’insécurité routière est un de nos grands défis au sein du ministère. Nous étudions l’état d’avancement des actions, l’évolution des statistiques, l’évaluation du cadre de coordination et de l’efficacité des actions opérationnelles mises en œuvre dans le cadre des Plans stratégiques intégrés d’urgence (PSIU). Je vous rappelle que le nouveau Code de la route, avec notamment l’introduction du permis à points, est un outil principal dans la politique de lutte contre la délinquance routière et dans la prévention des accidents de circulation. Comme cela était attendu, son entrée en vigueur en octobre 2010 a été marquée et suivie par une baisse du nombre et de la gravité des accidents, et on ne peut donc que se féliciter des résultats encourageants enregistrés en termes d’amélioration des indicateurs de suivi de la sécurité routière.
Les chiffres des accidents de la circulation durant les trois premiers mois d’application du nouveau code dessinent une nette tendance à la baisse, -17,51% d’accidents et -17,58% de tués. Nous œuvrons sans relâche à la consolidation de ces résultats par la poursuite des efforts de définition et de réalisation des PSIU, par un maintien de vigilance et de rigueur dans la mise en œuvre du Code de la route et par des plans d’action mis en place pour son accompagnement au mieux (acquisition de matériel, formation, modernisation et mise à niveau des infrastructures et des procédures, coordination…). En outre, ce nouveau code nous donne le cadre légal pour une meilleure organisation et régulation des professions liées directement au transport routier : conducteurs professionnels, visiteurs techniques, instructeurs, gestionnaires d’auto-écoles ou de centre de visites techniques, importateurs de véhicules de collection …
Nous attendons beaucoup en termes de résultats à ce niveau et nous sommes assez confiants, notamment grâce à la formation, le contrôle et le suivi des connaissances et des activités qui ont été institués par la loi et qui vont permettre le maintien d’un bon niveau de qualité au sein de ces secteurs et donc un ordre certain sur les routes et dans la conduite en général.
LA : L’open sky, signé entre le Maroc et l’Union européenne, connaît quelques difficultés concernant le droit d’établissement. Cette ouverture ne favorise-t-elle pas les compagnies étrangères au détriment de la Royal Air Maroc (RAM)?
KG : Cet accord est entré en vigueur depuis décembre 2006 avec une ouverture progressive vers l’accès au marché entre le Maroc et l’UE tout en opérant un alignement sur la législation européenne. On estime que cet accord a drainé près de 4,3 millions de passagers additionnels en provenance ou à destination du Maroc. Les résultats de la mise en œuvre de cet accord sont très satisfaisants. La valeur ajoutée générée dans l’économie marocaine, suite à l’entrée en vigueur de l’open sky avec l’UE à la fin de 2006, est estimée à 12 milliards de dirhams, soit +0,5 point du PIB par an, avec plus de 24 000 emplois directs et indirects induits.
« Le développement d’un réseau de zones logistiques à travers tout le royaume constitue un axe prépondérant dans la mise en œuvre de la stratégie logistique du Maroc. »
Le marché des transports aériens internationaux en régime d’open sky, a entraîné une diminution des prix et un développement considérable des volumes en support au développement du tourisme. Pour un vol entre le Maroc et l’Europe d’une durée moyenne de trois heures, les prix ont baissé de 37% entre 2003 et 2010. En plus, l’offre des compagnies low cost a été multipliée par 12 entre 2006 et 2010, elle a triplé entre 2008 et 2010.
Malgré la complexité de l’équation de développement de RAM dans un marché totalement ouvert et dominé par le modèle low cost, et grâce aux efforts déployés pour renforcer sa compétitivité et sa stratégie commerciale, RAM a su bénéficier de la dynamique créée par la libéralisation du transport aérien au Maroc dans la mesure où le nombre de passagers transportés par cette compagnie a positivement évolué de 3,2 millions de passagers en 2003 à 5,49 en 2010.
RAM reste un acteur incontournable dans le tourisme puisqu’elle assure le transport de 70% du tourisme des tour-opérateurs. Par ailleurs, il faut signaler qu’actuellement RAM est la troisième compagnie africaine par le revenu et qu’elle ambitionne d’accélérer son développement dans le but d’atteindre la place de première compagnie africaine en 2020 et de disposer d’une flotte de 100 appareils en 2025. Cela se traduira par le développement des segments suivants : le hub Afrique, le réseau Maroc-Europe, le long courrier, le domestique, le fret, le tourisme …
LA : Certains opérateurs touristiques réclament une meilleure adéquation entre votre politique des transports, notamment aériens, et leurs besoins. Votre département a-t-il pris en compte leurs revendications ?
KG : Je tiens à préciser que le point départ départ de la politique de libéralisation du transport aérien, menée à partir de 2004 au Maroc, est la volonté d’accompagner le développement du tourisme et la vision 2010, en attirant notamment les compagnies low cost qui ont en effet joué un rôle important dans le renforcement de la desserte aérienne internationale du Maroc. Elles sont sans conteste à l’origine du réel décollage de certains aéroports tels que Marrakech, Fès, Tanger ou Oujda/Nador, qui ont vu leur trafic aérien se développer de manière très soutenue, contribuant ainsi à l’épanouissement de l’activité touristique dans ces régions.
Je rappelle que nous avons aujourd’hui un open sky avec les USA et avec l’UE, nous avons amélioré nos accords bilatéraux vers des accords plus libéraux avec beaucoup de pays africains et arabes et nous poursuivons dans ce sens chaque fois qu’il est possible de le faire. Le ministère étant signataire du nouveau contrat programme pour le développement du tourisme, « vision 2020 », nous sommes résolument engagés à faire de nouvelles prospections et conclure de nouveaux accords régionaux et bilatéraux de libéralisation du transport aérien, afin d’accompagner la promotion du Maroc dans la conquête des nouveaux marchés.
LA : Les échanges commerciaux entre le Maroc et l’Afrique subsaharienne ont pris de l’ampleur suite à la mise en place de la route Tanger-Dakar. Comment expliquez-vous que les grands acteurs TIR se fassent pourtant rares sur cet axe ?
KG : Entre 1990 et 1998, le montant global des échanges commerciaux du Maroc avec les pays d’Afrique subsaharienne s’est élevé, en moyenne annuelle, à 300,6 millions de dollars. Ces échanges commerciaux ont enregistré, entre 1998 et 2008, une nette amélioration. Ils se sont établis à 529 millions de dollars en moyenne annuelle et ont atteint un milliard de dollars en 2008, ce qui a été facilité par la mise en place des infrastructures et des moyens de transport nécessaires (maritime, aérien et routier).
Cependant, la progression soutenue des échanges entre le Maroc et ses partenaires africains durant la période 1998-2008 laisse suggérer qu’un potentiel de développement du commerce de part et d’autre existe.
Certes l’infrastructure routière existe, cependant la motivation des acteurs TIR nécessite un cadre global de libéralisation des échanges commerciaux devant être plus conséquents et requiert un minimum de similitude et de rapprochement de leurs systèmes de transport routier en matière de normes et de réglementation. Outre ces exigences, la concurrence de la voie maritime constitue un frein à l’émergence de compagnies opérant dans le transport routier. Ceci dit, les états concernés devront concevoir des mesures et des actions sous forme d’incitations et d’encouragements, que ce soit au niveau réglementaire, de l’organisation de la profession et, pourquoi pas, d’un appui financier intelligent.
LA : Le Maroc vient de connaître une décennie de réformes dans lesquelles votre département a joué un rôle majeur. A quelle réforme avez-vous consacré la plus grande partie de votre de temps depuis votre entrée en fonction ?
KG : Chaque réforme a des spécificités et des difficultés qui lui sont propres, mais nous avons tenu, au sein du Ministère de l’équipement et des transports, à équilibrer et doser le temps et les efforts et optimiser les moyens et ressources disponibles afin d’avancer efficacement dans la mise en œuvre de toutes les réformes menées selon une vision stratégique, cohérente et intégrée.
Le temps consacré à chaque réforme est fonction du poids du secteur concerné, de l’intensité des concertations à entreprendre avec les partenaires, aussi bien privés que publics, ainsi que des enjeux et impacts mis en jeu. Nous avons pris le temps d’éprouver les réformes conçues et de nous assurer de leurs faisabilités et de l’adhésion de tous les acteurs qui y sont impliqués. Je peux garantir que les effets bénéfiques des différentes réformes ont été largement ressentis par les citoyens et les opérateurs économiques. A titre d’exemple, dans le secteur du transport routier de marchandises, la réforme a permis la création de plus de 17 122 nouvelles entreprises de transport de marchandises et une intégration importante de l’informel dont le taux a baissé de 75% à environ 45%.
Pour résumer et répondre plus directement à votre question, pour sortir ces réformes – qui ont été menées, je le rappelle, en parallèle – nous avons mis en moyenne pour chacune d’elles deux ans pleins, entre études, négociations professionnelles et sectorielles et processus d’approbation, sauf le code de la route qui en a nécessité presque le double. y
Propos recueillis par Nadia Rabbaa
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