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L’emploi est une bombe à retardement qui peut être désamorcée à temps

Depuis quelques mois, on a l’impression que les partis Ennahdha, PDP, Ettakatol, Ettajdid, El Watan, l’Initiative, CPR, POCT, et les autres, apportent aux tunisiens des réponses à des questions non posées par ceux-ci ou sauf par le microcosme de l’intelligentsia tunisoise ou ‘facebookienne’ : laïcité, financement de partis, normalisation avec Israël, régime semi-présidentiel ou parlementaire, …. Ils bottent, pour ainsi dire, quasiment tous en touche, alors que la vraie bataille est dans l’amélioration du quotidien de millions de tunisiens. Sondages à l’appui, la lutte contre le chômage et la création d’emplois devrait être pour une écrasante majorité des tunisiens la priorité des priorités d’un gouvernement élu et des partis politiques. Or, pour faire face à la situation du chômage de plus de 750 000 citoyens tunisiens, assurer la stabilité du pays et le succès de la révolution et de la démocratie, il y a en Tunisie, toutes tendances politiques confondues, un consensus sur les objectifs économiques à atteindre. Ce n’est, en effet, qu’au moyen d’un niveau d’investissement de l’ordre de 30 à 40% du PIB (actuellement proche de 20%) et d’un taux de croissance, à fort contenu innovant, de l’ordre de 10% (il était de 4.5% le long des 10 dernières années et de -3.3% au 1er semestre 2011 !) et ce, durant les 10 prochaines années, que l’on peut espérer créer les 150 000 emplois nécessaires par an pour résorber le stock et gérer les flux de demandeurs d’emploi. Au-delà du sempiternel débat sur le choix du modèle économique à emprunter, qu’il soit d’inspiration socialisante ou libéral (la vérité est certainement entre les deux), les questions de fond sont les mêmes : Quelles mesures stratégiques et actions concrètes à mettre en œuvre afin de juguler ce fléau, véritable bombe à retardement menaçant le processus de transition démocratique en Tunisie ? Quelques idées pratiques et quelques pistes opérationnelles sont esquissées ici* afin d’alimenter le débat, dans une logique volontairement pragmatique et non idéologique…

Pour relever le défi de l’emploi par un gouvernement formé par une majorité politique à l’assemblée nationale constituante démocratiquement élue, il y a lieu à entreprendre des actions à des strates différentes mais concomitantes car tout est urgent. D’abord, il est prioritaire de mener des actions à effets immédiats sur l’inclusion du noyau dur du chômage en Tunisie (50 000 diplômés du supérieur sans travail depuis plus de 3 ans), chose à laquelle s’est attelé le gouvernement transitoire avec un dispositif assez complet dont le programme, relativement coûteux, AMAL. En même temps, des mesures stratégiques et actions opérationnelles devraient être envisagées sans délai afin de prendre en charge l’avenir en agissant notamment sur le système éducatif et de formation et ce, tant sur le plan qualitatif que quantitatif. Et enfin, il y a lieu à entreprendre des actions permettant de libérer les énergies en améliorant le climat des affaires, le développement des marchés et des investissements. C’est cette dernière strate d’actions qui est traitée dans ce papier.

Pour ce faire, trois acteurs-clé devraient être mis à contribution pour relever le défi de l’emploi. D’abord l’entreprise, véritable champ de l’insertion. La solution de l'emploi est en effet dans des entreprises compétitives. Ensuite, avec l’avènement de la géo gouvernance, rendue nécessaire par la Révolution tunisienne, la région devrait se prendre en charge et devenir redevable de la promotion de l'entreprise et par conséquent de l'emploi. Et enfin, l'Etat qui devrait jouer un rôle de stratège, d'animateur de développement et d'évaluateur de performance des acteurs.

L'emploi passe nécessairement par le développement du marché et par l’investissement. A ce titre, il est urgent de revisiter le code des investissements en l’amendant pour libérer l’initiative (pas de liste) et pour lier la prime d’investissement aux résultats atteints en termes d’emploi, de valeur ajoutée et de produit rapatrié de l’exportation, avec la logique de « make and take ! » et non le contraire ! Le code des investissements en vigueur depuis 1994 n’est plus adapté par ses dispositions et sa philosophie à l’émergence d’activité au croisement ou à l’interface des secteurs traditionnels. Or dans les services par exemple, certaines activités subissent le chevauchement de plusieurs champs de tutelle administrative alors que d’autres activités ne sont prises en charge par aucun champ de cette tutelle. Dans la pratique, l’interdiction, sous diverses appellations, reste la règle, aussi bien l’excès d’administration que l’absence d’administration sont problématiques. Il y a lieu de libérer les énergies entrepreneuriales dans un marché régulé.

Viser les marchés extérieurs devrait être la priorité, comme le suggère ce même code des investissements, à juste titre, eu égard à l’exigüité du marché tunisien et le besoin du pays en termes d’équilibre de la balance commerciale. Il y a lieu à aller bien plus loin que les dispositions fiscales incitatives actuelles. On peut imaginer aisément de créer une zone de libre échange « Tunisie-Tunisie » entre les entreprises industrielles et de services partiellement exportateurs d’une part et les entreprises off-shore totalement exportatrices (au nombre de 3000) d’autre part. De même, les exportations sur les marchés non traditionnels (autres que l’Europe et le Maghreb qui constituent à eux deux plus de 90% de nos exportations) pourraient bénéficier d’une prime de développement de marché à concurrence de 10% du produit de l’exportation rapatrié. L’Afrique et l’Asie devraient être des cibles prioritaires d’élargissement du champ d’action de l’entreprise tunisienne. Les entreprises partiellement exportatrices de biens et de services pourraient bénéficier aussi d'une prime à la première exportation, toujours problématique, mais une fois réalisée, les marchés s’ouvrent plus facilement. Toujours, dans le cadre de l’amélioration des performances exportatrices de l’entreprise tunisienne, on devrait appuyer la création d’associations ou entreprises de tunisiens à l’étranger œuvrant à la promotion des exportations tunisiennes de produits et de services et les financer par contrat objectif et sur les résultats. L’installation de consuls honoraires dans toutes les capitales et grandes villes d’Afrique, d’Amérique du Sud et d’Asie Centrale chargés de la facilitation des relations entre hommes d’affaires tunisiens et leurs homologues des pays concernés est à même pour développer le réseau d’affaires des entreprises tunisiennes avec les marchés émergents et jusque là exotique pour l’exportateur tunisien. Ces consuls seraient rémunérés selon un système qui intègre les objectifs et les résultats. Cela devrait se faire en parallèle de la création de zones de libre-échange avec l’Afrique de l’Ouest et des accords préférentiels avec nos voisins maghrébins, bien entendu.

Il faut œuvrer afin que chaque acheteur public utilise au moins une fois par an la procédure PPP (partenariat public privé) pour favoriser le développement de produits innovants ayant un potentiel d’exportation. Cela permet de multiplier les références locales de l’entreprise tunisienne la préparant ainsi à accéder aux marchés extérieurs.

Par ailleurs, il y a lieu de procéder à l’externalisation systématique de la maitrise d’ouvrage des achats publics (analyse du besoin, étude technique, pilotage, réception, clôture, maintenance), avec une discrimination positive, au niveau du choix des prestataires, bénéficiant aux entreprises appartenant aux régions impactées par ces ouvrages, favorisant ainsi l'emploi dans les entreprises des régions intérieures notamment en cas de projets d’infrastructures (ouvrages d’art, routes, télécommunications, réseaux,…). Une relance keynésienne est à opérer en effet afin d’arrimer les régions intérieures au niveau de développement du littoral dont le financement pourrait provenir des transactions judiciaires suite aux confiscations des biens de l’ancienne famille régnante, du fruit du rapatriement de l’argent placé à l’étranger par les membres de cette famille et les montages financiers afférents (Caisse des Dépôts et Consignations, Fonds souverain générationnel, …) ou encore par endettement extérieur (G8, …), voire privatisation partielle ou totale de certaines entreprises publiques.

Dans les entreprises privées tunisiennes, le taux d’encadrement est de l’ordre de 7% contre plus de 20% en Europe. Cela impacte directement le taux de valeur ajoutée et la productivité (seule garante de la croissance de long terme), alors que nos universités déversent sur le marché de l’emploi chaque année plus de 80 000 candidats. En vue de favoriser l'emploi qualifié dans la combinaison des facteurs de production et de pérenniser les équilibres de la sécurité sociale il est recommandé d’adopter le principe du calcul des charges sociales sur la base du chiffre d’affaires au lieu de la masse salariale. De plus, en vue d'inciter les entreprises à augmenter la valeur ajoutée de leurs activités, il y a lieu à faire bénéficier les entreprises qui réalisent un taux de valeur ajoutée supérieur à 40% d’un régime dégressif au niveau de la liquidation de la TVA. Il est à rappeler, à ce titre, que le taux actuel de la valeur ajoutée dans l’industrie manufacturière tunisienne est de l’ordre de 30% contre plus de 50% dans les pays de l’OCDE.

Par ailleurs, des spécificités sectorielles demeurent non suffisamment exploitées notamment dans le domaine de l’agriculture, du tourisme, des technologies de l’information et de la communication, de l’environnement, …

http://www.leaders.com.tn/article/l-emploi-est-une-bombe-a-retardement-qui-peut-etre-desamorcee-a-temps?id=6059

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