Tunisie: Les 6 critères majeurs de l’arbre de décision stratégique d’une localisation pour une industrie capitalistique
Dans la suite de cet article, je vais décrire ces critères et donner ma vision sur ce que devrait faire la Tunisie pour les satisfaire.
Mais afin d’en faciliter la lecture, dans un premier temps, nous décrivons les 3 premiers critères. Ensuite, nous évoquerons les trois derniers.
Les trois premiers critères concernent la proximité du marché, le climat des affaires dans le pays, et l’infrastructure industrielle et logistique.
La proximité du marché apparaît en tête de liste des critères de choix de localisation pour une industrie exportatrice et à forte valeur ajoutée générée
Il est à noter que ce critère est devenu essentiel pour de nombreuses industries, dans la mesure où le business model repose de plus en plus sur la réactivité, le raccourcissement des délais et l’augmentation du taux de service. Le juste-à-temps est devenu une composante essentielle du modèle industriel à forte valeur ajoutée car il permet à l’entreprise de minimiser les besoins de fonds de roulement en finançant le minimum de stocks et d’encours surtout dans la période où le cash est devenu roi et où l’argent est cher.
Le Tunisie doit jouer sa carte de proximité de l’un des plus gros marchés mondiaux, en l’occurrence l’Europe. La Tunisie est à 24 heures de bateau de Marseille alors qu’un porte-conteneurs mettra entre 7 et 9 semaines pour venir de Shanghai à Marseille. Si un délai d’acheminement de 9 semaines peut être acceptable pour le textile, les jouets ou les chaussures, il n’est absolument pas compatible avec les attentes du marché quand il s’agit de composants et de sous-ensembles électroniques, de produits pharmaceutiques, d’automobiles ou d’électronique grand public. Ce qui doit nous conduire à être extrêmement sélectifs pour attirer les bonnes industries et éviter ainsi de partir tous azimuts et encore moins de dilapider les faibles moyens que l’on sera en mesure de mettre en place pour les inciter à venir en Tunisie.
L’environnement général du pays hôte est de plus en plus au cœur des critères de choix.
Ce critère traduit la garantie que cherche à obtenir une entreprise de ce type pour s’assurer des conditions nécessaires à la continuité de son activité au long court, pour protéger ses biens et pour pouvoir évoluer dans un contexte sain pour ces affaires.
Il s’agit pour la Tunisie d’apporter des gages de stabilité et de démocratie, de démontrer que les risques de conflits internes ou externes sont minimes, d’obtenir auprès des organismes d’assurance et de protection contre les risques de bonnes notes de stabilité.
Ce critère englobe également les volets relatifs à la protection de la propriété intellectuelle, à l’existence de dispositifs opérants de lutte contre la contrefaçon, au strict respect de l’éthique des affaires ainsi que le respect des conventions garantissant l’application du droit des affaires et de recours aux juridictions nationales et internationales en cas de besoin.
Il couvre également les aspects liés à l’existence et à l’application de dispositifs juridiques relatifs au droit du travail et au respect des normes environnementales
La Tunisie dispose d’une bonne partie de cet arsenal juridique et réglementaire, un vrai travail de mise en place est nécessaire en particulier en ce qui concerne la protection de la propriété intellectuelle, la lutte contre la contrefaçon, la protection internationale des brevets et la lutte contre la corruption.
L’assainissement du climat des affaires est une nécessité absolue; sans elle aucune industrie qui compte et qui nous intéresse ne prendra le risque de venir s’implanter chez nous. Ce n’est qu’en prenant des engagements dans ce sens que la confiance des investisseurs visés pourra être établie
L’infrastructure industrielle et logistique est l’épine dorsale sur laquelle repose tout développement de l’attraction des IDE à forte valeur ajoutée
Il est d’une évidence absolue que si nous souhaitons attirer des IDE de ce calibre, il va falloir doter la Tunisie d’une infrastructure digne de ce nom. Le terme “infrastructure“ n’englobe pas uniquement les zones industrielles aménagées ici ou là. Ceci englobe la mise en place de zones logistiques à proximité des principaux noeuds de transport dotés des moyens modernes de stockage et de manutention.
L’infrastructure, c’est également des ports aménagés capables d’absorber les flux et où le transit des marchandises à l’entrée et à la sortie est extrêmement fluide et efficace.
C’est aussi des autoroutes pour permettre la circulation des biens en toute vitesse et en toute sécurité. C’est également des aéroports et des plateformes de fret aérien. C’est aussi des transporteurs routiers et des chemins de fer restructurés, massifiés et respectant les normes internationales. L’infrastructure couvre également la télécommunication et la circulation des informations entre l’entreprise, ses fournisseurs et ses clients.
L’infrastructure industrielle et logistique de la Tunisie souffre actuellement de graves manquements et d’un déséquilibre régional qui nuit à notre potentiel non seulement d’attraction des IDE mais également au développement de notre industrie nationale.
Un plan d’envergure doit être entrepris dès maintenant pour pallier à ce manque. Parmi les idées que l’on peut suggérer, figurent en particulier:
1) La densification du réseau d’autoroute pour permettre de relier les grandes villes de l’ouest, du sud, de centre, de l’est et du nord avec un port maritime de marchandise à moins de 3 heures de route.
2) L’agrandissement des ports de marchandise de Radès, Sfax, Gabès et Zarzis, des zones de fret correspondantes et la mise en place de lignes quotidiennes de transport maritime entre un port du nord, un port du centre et un port du sud vers les principaux ports européens (Marseille, Dunkerque, Anvers, Amsterdam).
3) La mise en place de zones logistiques aménagées à proximité des autoroutes pour permettre la construction de plateformes privées pour le stockage et le cross-docking.
4) La transformation de tout ou partie de l’aéroport d’Ennfida en plateforme de transport de fret aérien et le doter de l’infrastructure nécessaire. L’idéal sur ce point serait de convaincre un opérateur mondial de type DHL ou Fedex, par exemple, d’en faire un hub international pour son activité internationale servant de lien entre le Moyen-Orient, l’Afrique, l’Europe et les Amériques (une sorte de hub pour la route sud-sud pour le fret aérien mondial). Ceci passera certainement par la nécessité d’ouvrir le ciel tunisien, ce qui me semble également bénéfique pour le tourisme même si la compagnie aérienne nationale risque d’en pâtir lourdement.
5) Concernant le transport routier, il s’agit de restructurer ce secteur, très morcelé aujourd’hui, pour faire émerger de grands acteurs nationaux et internationaux. La mise en place d’une charte qualité pour le transport qui combine le service, la sécurité, l’environnement et les conditions de travail des routiers est une condition sine qua none pour redresser ce secteur important.
Par Hicham jouaber Ingénieur de l’Ecole Nationale des Ponts & Chaussées (’87), titulaire d’un DEA d’intelligence artificielle de l’Université Paris VI (’87) et d’une maîtrise de mécaniques appliquées de l’Université de Tunis (’83).
Mais afin d’en faciliter la lecture, dans un premier temps, nous décrivons les 3 premiers critères. Ensuite, nous évoquerons les trois derniers.
Les trois premiers critères concernent la proximité du marché, le climat des affaires dans le pays, et l’infrastructure industrielle et logistique.
La proximité du marché apparaît en tête de liste des critères de choix de localisation pour une industrie exportatrice et à forte valeur ajoutée générée
Il est à noter que ce critère est devenu essentiel pour de nombreuses industries, dans la mesure où le business model repose de plus en plus sur la réactivité, le raccourcissement des délais et l’augmentation du taux de service. Le juste-à-temps est devenu une composante essentielle du modèle industriel à forte valeur ajoutée car il permet à l’entreprise de minimiser les besoins de fonds de roulement en finançant le minimum de stocks et d’encours surtout dans la période où le cash est devenu roi et où l’argent est cher.
Le Tunisie doit jouer sa carte de proximité de l’un des plus gros marchés mondiaux, en l’occurrence l’Europe. La Tunisie est à 24 heures de bateau de Marseille alors qu’un porte-conteneurs mettra entre 7 et 9 semaines pour venir de Shanghai à Marseille. Si un délai d’acheminement de 9 semaines peut être acceptable pour le textile, les jouets ou les chaussures, il n’est absolument pas compatible avec les attentes du marché quand il s’agit de composants et de sous-ensembles électroniques, de produits pharmaceutiques, d’automobiles ou d’électronique grand public. Ce qui doit nous conduire à être extrêmement sélectifs pour attirer les bonnes industries et éviter ainsi de partir tous azimuts et encore moins de dilapider les faibles moyens que l’on sera en mesure de mettre en place pour les inciter à venir en Tunisie.
L’environnement général du pays hôte est de plus en plus au cœur des critères de choix.
Ce critère traduit la garantie que cherche à obtenir une entreprise de ce type pour s’assurer des conditions nécessaires à la continuité de son activité au long court, pour protéger ses biens et pour pouvoir évoluer dans un contexte sain pour ces affaires.
Il s’agit pour la Tunisie d’apporter des gages de stabilité et de démocratie, de démontrer que les risques de conflits internes ou externes sont minimes, d’obtenir auprès des organismes d’assurance et de protection contre les risques de bonnes notes de stabilité.
Ce critère englobe également les volets relatifs à la protection de la propriété intellectuelle, à l’existence de dispositifs opérants de lutte contre la contrefaçon, au strict respect de l’éthique des affaires ainsi que le respect des conventions garantissant l’application du droit des affaires et de recours aux juridictions nationales et internationales en cas de besoin.
Il couvre également les aspects liés à l’existence et à l’application de dispositifs juridiques relatifs au droit du travail et au respect des normes environnementales
La Tunisie dispose d’une bonne partie de cet arsenal juridique et réglementaire, un vrai travail de mise en place est nécessaire en particulier en ce qui concerne la protection de la propriété intellectuelle, la lutte contre la contrefaçon, la protection internationale des brevets et la lutte contre la corruption.
L’assainissement du climat des affaires est une nécessité absolue; sans elle aucune industrie qui compte et qui nous intéresse ne prendra le risque de venir s’implanter chez nous. Ce n’est qu’en prenant des engagements dans ce sens que la confiance des investisseurs visés pourra être établie
L’infrastructure industrielle et logistique est l’épine dorsale sur laquelle repose tout développement de l’attraction des IDE à forte valeur ajoutée
Il est d’une évidence absolue que si nous souhaitons attirer des IDE de ce calibre, il va falloir doter la Tunisie d’une infrastructure digne de ce nom. Le terme “infrastructure“ n’englobe pas uniquement les zones industrielles aménagées ici ou là. Ceci englobe la mise en place de zones logistiques à proximité des principaux noeuds de transport dotés des moyens modernes de stockage et de manutention.
L’infrastructure, c’est également des ports aménagés capables d’absorber les flux et où le transit des marchandises à l’entrée et à la sortie est extrêmement fluide et efficace.
C’est aussi des autoroutes pour permettre la circulation des biens en toute vitesse et en toute sécurité. C’est également des aéroports et des plateformes de fret aérien. C’est aussi des transporteurs routiers et des chemins de fer restructurés, massifiés et respectant les normes internationales. L’infrastructure couvre également la télécommunication et la circulation des informations entre l’entreprise, ses fournisseurs et ses clients.
L’infrastructure industrielle et logistique de la Tunisie souffre actuellement de graves manquements et d’un déséquilibre régional qui nuit à notre potentiel non seulement d’attraction des IDE mais également au développement de notre industrie nationale.
Un plan d’envergure doit être entrepris dès maintenant pour pallier à ce manque. Parmi les idées que l’on peut suggérer, figurent en particulier:
1) La densification du réseau d’autoroute pour permettre de relier les grandes villes de l’ouest, du sud, de centre, de l’est et du nord avec un port maritime de marchandise à moins de 3 heures de route.
2) L’agrandissement des ports de marchandise de Radès, Sfax, Gabès et Zarzis, des zones de fret correspondantes et la mise en place de lignes quotidiennes de transport maritime entre un port du nord, un port du centre et un port du sud vers les principaux ports européens (Marseille, Dunkerque, Anvers, Amsterdam).
3) La mise en place de zones logistiques aménagées à proximité des autoroutes pour permettre la construction de plateformes privées pour le stockage et le cross-docking.
4) La transformation de tout ou partie de l’aéroport d’Ennfida en plateforme de transport de fret aérien et le doter de l’infrastructure nécessaire. L’idéal sur ce point serait de convaincre un opérateur mondial de type DHL ou Fedex, par exemple, d’en faire un hub international pour son activité internationale servant de lien entre le Moyen-Orient, l’Afrique, l’Europe et les Amériques (une sorte de hub pour la route sud-sud pour le fret aérien mondial). Ceci passera certainement par la nécessité d’ouvrir le ciel tunisien, ce qui me semble également bénéfique pour le tourisme même si la compagnie aérienne nationale risque d’en pâtir lourdement.
5) Concernant le transport routier, il s’agit de restructurer ce secteur, très morcelé aujourd’hui, pour faire émerger de grands acteurs nationaux et internationaux. La mise en place d’une charte qualité pour le transport qui combine le service, la sécurité, l’environnement et les conditions de travail des routiers est une condition sine qua none pour redresser ce secteur important.
Par Hicham jouaber Ingénieur de l’Ecole Nationale des Ponts & Chaussées (’87), titulaire d’un DEA d’intelligence artificielle de l’Université Paris VI (’87) et d’une maîtrise de mécaniques appliquées de l’Université de Tunis (’83).
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