Panne de croissance industrielle, IDE en baisse, comptes extérieurs menacés, manque de liquidités, foncier difficilement mobilisable, chômage en stagnation... , les problèmes et les retards s'accumulent.
L'économie marocaine a gagné en puissance par rapport aux facteurs exogènes, mais peine à décoller réellement.
L'accélération des plans et l'adoption de mesures choc devient urgente pour ne pas bloquer la machine.
En 2009, pouvoirs publics et hommes d’affaires louaient la capacité de résistance de l’économie nationale face à la crise financière internationale. Tandis que plusieurs pays étaient en récession, le PIB du Maroc progressait de 5,3%. L’une des raisons est que les performances de l’agriculture, qui reste un moteur essentiel de la croissance, avaient été excellentes, suite à une récolte céréalière record, sans compter que le secteur non agricole avait bien tenu. Bien que le plus dur semble passé, le rythme sera moins élevé en 2010. Les prévisionnistes les plus optimistes parlent d’une croissance de 4,5%. En fait, sur les dix ou douze dernières années, le taux moyen n’a pas dépassé les 5%. Trop peu pour résorber les déficits sociaux qui se sont accumulés, plus particulièrement au cours de la dure période du Programme d’ajustement structurel (PAS) 1983-1993.
L’économie marocaine continue ainsi d’entretenir ce paradoxe : elle a gagné en souplesse et en puissance face aux facteurs externes, mais peine terriblement à décoller. Pourtant, il faudra bien y arriver. Plus qu’un vœu, c’est une exigence, même s’il est difficile de fixer un taux cible optimal, eu égard à la conjugaison de plusieurs facteurs tant endogènes qu’exogènes. Les pouvoirs publics n’ignorent rien de l’ampleur de la tâche.
En concevant le Pacte national pour l’émergence industrielle (Pacte), la Vision 2010 et la Vision 2020 en préparation, ils ont compris la nécessité d’une vision à moyen et long termes déclinée en stratégies bien articulées, pour favoriser une croissance forte et régulière. A aujourd’hui elle est trop dépendante des aléas climatiques et l’industrie contribue pour moins de 2 points. Il y a donc urgence, mais des bases solides sont cependant indispensables pour s’en sortir. Le hic, c’est que l’économie marocaine présente un certain nombre de déséquilibres qui sont en mesure de réduire son potentiel de progression.
Il en est ainsi de la situation des finances publiques. L’Etat a de plus en plus de mal à maîtriser ses dépenses. En face, les recettes continuent de reculer d’année en année, compte tenu du démantèlement douanier qu’exigent les accords de libre-échange signés avec plusieurs pays, et de la baisse de certains impôts directs, l’impôt sur le revenu (IR) en particulier. Ce n’est pas dans nos intentions de disserter sur les effets pervers du déficit budgétaire ou son niveau optimal ; les positions des économistes resteront sans doute diamétralement opposées. Mais, il est admis qu’on ne peut pas vivre au-dessus de ses moyens sans en payer le prix. D’ailleurs, Abdellatif Jouahri, gouverneur de Bank Al-Maghrib, a encore mis en garde contre les dérapages dans le rapport 2009 de l’Institut d’émission, comme il l’avait d’ailleurs fait en 2003. On comprend ici qu’il s’agit d’une situation structurelle, si l’on exclut 2007 et 2008, deux années fastes pour le Trésor.
La transformation des ressources liquides en épargne longue : un casse-tête qui dure
Que faire ? Le gouvernement est visiblement embarrassé parce qu’il veut réaliser des économies sans renoncer à répondre à la demande sociale et au maintien de l’investissement public à un niveau adéquat. Les coupes sombres dans les dépenses de fonctionnement ? On en parle depuis belle lurette sans que ça soit suivi d’effet. La marge de manœuvre reste donc faible, d’autant plus que l’élargissement de l’assiette fiscale par la mise à contribution de l’agriculture, ou d’une partie de la filière, reste encore un sujet tabou.
Cette fragilité qu’est le déficit de ressources financières ne concerne pas que l’Etat. Dans un autre sens, elle constitue la grande équation pour les banques depuis presque deux ans. Nous n’en sommes pas encore à la situation de crédit crunch (rationnement quantitativement de l’offre de crédit, quel que soit le taux auquel l’emprunteur est prêt à prendre le crédit), mais, si rien n’est fait, l’économie risque de vivre des périodes de stress lourdes de conséquences. L’autre source d’inquiétude est que l’épargne interne reste faible et les apports extérieurs, en l’occurrence les transferts des MRE -qui s’essoufflent- et les investissements étrangers, sont insuffisants pour redresser la barre. Le dossier de la transformation des ressources liquides en épargne longue pour une meilleure adéquation du financement et de l’investissement revient ainsi sur la table. Mais encore faut-il des mécanismes appropriés et un marché financier suffisamment dynamique pour absorber les produits offerts.
Et ce n’est pas tout. Le manque de ressources humaines qualifiées, au regard des objectifs fixés dans les différents programmes ou stratégies de développement, la lenteur des procédures administratives, l’accès au foncier et l’inefficacité de la justice participent à la fragilisation de l’économie. Il est évident que des efforts sont réalisés pour lever toutes ces contraintes, mais quand certaines d’entre elles résistent depuis plusieurs années, on ne peut que s’interroger sur la pertinence des moyens mis en œuvre. Pourtant, on n’a plus le temps de marquer le pas. Revue non exhaustive des tares du système économique.
1- La croissance pénalisée par la panne industrielle.
Entre 1999 et 2009, le taux de croissance du PIB s’est caractérisé par une très grande volatilité, affichant un mince 0,5% en 1999 pour culminer à 7,8% en 2006. Sur ces douze ans, le taux de croissance moyen (moyenne linéaire) s’est établi à 4,37%, soit un taux plus élevé que celui de la décennie des années 90. Dans les détails cependant, et à chaque fois que la croissance progressait de plus de 5%, c’était en raison d’une bonne campagne agricole, ce qui illustre l’effet de dépendance aux aléas climatiques. Depuis le début des années 2000, toutefois, le Maroc semble avoir franchi un palier avec un taux de croissance moyen (moyenne linéaire) de la valeur ajoutée hors agriculture qui s’établit à près de 4,5% et n’était-ce les effets de la crise internationale, en 2009, ce taux, entre 2004 et 2008, aurait même atteint 5,2%.
De fait, c’est surtout le secteur tertiaire (commerce et services) qui alimente le PIB : entre 2004 et 2008 son apport en termes de croissance au PIB a tourné autour de 2,7 points, quand le secteur secondaire, lui, y contribuait pour 1,5 point à peine, en moyenne, au cours des cinq années considérées. En 2009, la valeur ajoutée du secteur secondaire a même reculé de 2,8% quand le tertiaire augmentait de 4%, alors que l’agriculture, elle, dopait l’année avec une progression de 26% et, en 2010, il est prévu que le secteur secondaire, effet de rattrapage, progresse de 5,6% quand le tertiaire afficherait +6%. En conclusion, la croissance au Maroc semble pénalisée par un triple problème. Primo, une maîtrise encore insuffisante des effets des aléas climatiques créant un effet yo-yo et qui devrait trouver un début de solution dans le Plan Maroc Vert, mais pas avant 5 à 7 ans. Deuzio, un trop faible apport de l’industrie à la création de richesses et qui trouve son explication dans son orientation trop prononcée vers l’export, alors que le marché intérieur est fortement importateur de produits finis. Tertio, une activité de services plus basée sur la quantité que la forte valeur ajoutée. A part la Vision 2010 pour le tourisme qui a boosté le secteur tertiaire, les autres plans, que sont Emergence et Rawaj, n’ont pas encore produit suffisamment d’effets pour permettre au PIB de faire fi de la qualité d’une saison agricole.
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